Les Insurgés

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Une fresque historique pleine de bonnes intentions, malheureusement rattrapée par sa longueur et un casting pas forcément très pertinent.

Les biofictions historiques sont à l’honneur au cinéma depuis maintenant quelques années, et c’est l’occasion pour chacun d’entre nous d’associer plaisir du septième art et culture sans effort ; ces films étant souvent très resserrés autour d’un sujet central, libre au spectateur d’en rester là ou d’aller se renseigner un peu plus sur le sujet, en faisant des recherches en bibliothèque ou sur Internet. Dans le cas des Insurgés, le sujet traité est un événement relativement mineur ayant eu lieu durant la Seconde Guerre Mondiale, que l’on aborde généralement sans grandes connaissances et, par extension, sans a priori particulier.

Persécutés par les armées d’Hitler, Tuvia, Zus et Asael Bielski (incarnés respectivement par Daniel Craig, Liev Schreiber et Jamie Bell), décident de se réfugier au cœur d’une forêt, accompagnés par un petit groupe de juifs n’ayant aucun autre endroit où aller. Là, au milieu de nulle part, la petite communauté s’arrangera un mode de vie de fortune, rythmé par les rations alimentaires, les tours de garde et des règles strictes nécessaires au bon fonctionnement de toute microsociété. Mais, peu à peu, d’autres personnes ont vent du courage de ce groupe entré en résistance et se joignent à lui au compte-goutte, agrandissant toujours un peu plus le nombre d’occupants implantés dans la forêt, et mettant chaque fois un peu plus en danger l’organisation vacillante du clan.

Sur le papier, Tuvia et Zus, les deux aînés, sont très clairement des héros ayant sauvé la vie de plus d’un millier de personnes en s’engageant dans un combat qui semblait perdu d’avance ; sur pellicule, la donne change au profit d’une peinture plus humaine, et certainement plus proche de la réalité, de ce que furent les jours longs et difficiles des Bielski, déchirés entre leur propre instinct de survie et les responsabilités qu’ils s’étaient engagés à prendre auprès de la communauté. Frictions, tensions, disputes étaient le lot quotidien de cette fratrie qui n’en sortit que miraculeusement indemne. Ce retour sincère et finement écrit sur l’acte héroïque des Bielski est sans aucun doute le gros point fort du film, qui y gagne beaucoup d’honneurs.

Malheureusement, le tableau est assombri par la longueur du film (2H15), qui, si elle était certainement nécessaire pour offrir une fresque chronologique impeccable, occasionne parfois des creux dans le scénario, qui sautent immédiatement aux yeux du spectateur ; le défi était d’offrir une histoire mêlant habilement action, dialogues soutenus et émotions ambigües. Le film jouissant d’un budget important, les scènes d’action sont tout ce qu’il y a de plus réussies, traitées de façon sobre – c’est-à-dire en évitant de les faire ressembler à des combats d’arts martiaux anarchiques – et succincte, empêchant ainsi le film de n’être que la vision anachronique d’un bras de fer entre la petite communauté et les soldats de l’armée allemande. Les armes à feu ne sont utilisées que lorsque cela est nécessaire, pour le plus grand bien du film.

L’un des bémols les plus appuyés demeure, cependant, la présence de Daniel Craig au casting, et dans l’un des rôles principaux en plus de ça ; si l’acteur britannique nous a plusieurs fois montré qu’il savait être éclectique, il n’arrive définitivement pas à se tailler une place honnête dans ce film, où il semble faire figure de meneur de troupe incontesté et incontestable, ce que le véritable Tuvia Bielski n’était certainement pas, pris par d’importantes responsabilités. De même, l’affiche officielle du film est en elle-même un affront historique, puisque Daniel Craig y est seul représenté, alors même que les frères ont tous deux combattu pour cette cause qui leur semblait juste. Coup marketing ou "erreur bête", la faute est presque impardonnable. Cependant, il faut bien accorder à Daniel Craig une interprétation efficace, à mille lieues du James Bond superstar que l’on aurait pu craindre.

Malgré des erreurs stratégiques assez évidentes, Les Insurgés retrace avec une certaine fidélité des événements historiques, mineurs certes, mais impressionnants de courage et de résistance ; le film dissèque de façon presque médicale la création inattendue d’une microsociété, avec tous les coups bas et toutes les violences qu’une telle naissance sous-tend inévitablement. Au-delà des détails formels qui amoindrissent certainement la qualité du film, Les Insurgés demeure sans aucun doute une fresque tout à fait appréciable.

Titre original : Defiance

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Durée : 137 mn


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