Les Géants

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Loin de toute « belgitude », Bouli Lanners nous conte le parcours initiatique de trois jeunes adolescents dans leur passage à l’âge adulte.

Entre forêt et campagne, la nature à laquelle se trouvent confrontés Zak, Seth et Danny n’est ni sauvage ni dangereuse. A la différence d’une grande tendance du cinéma belge (initiée notamment par les Dardenne), le film de Bouli Lanners s’extrait de toute référence et de tout engagement, ne privilégiant pas l’angle social du récit, se focalisant au contraire totalement sur ses personnages, héros d’une histoire racontée plutôt sur le mode du conte, à travers un monde personnel et marginal.

La nature est magnifiée, les plans sur le paysage rendant compte d’une aspiration très picturale. C’est au sein de cette terre, de cette source première de toute chose, que les trois adolescents vont devoir acquérir gestes et réflexes de survie qui vont les obliger à grandir, à se responsabiliser face à un monde qui ne leur fait aucun cadeau. C’est dans la débrouillardise, la fraternité et la solidarité que ces trois garçons vont partager un moment de vie, un passage, perdant de leur naïveté enfantine pour acquérir une force de caractère qui s’étoffera tout au long des coups durs de la vie.

Plaçant constamment le cadre à leur hauteur, le cinéaste installe une réelle proximité avec ces trois jeunes. En construisant l’essentiel de sa mise en scène autour du point de vue adolescent, Bouli Lanners – au même titre que Céline Sciamma(1) – ouvre des perspectives que l’on croyait encore peu accessibles au cinéma européen, presque exclusivement dessinées par les films de Gus Van Sant et Sofia Coppola.

 
 
Un personnage d’outsider : le frère de Danny…

… et l’apparition burlesque en arrière-plan : le voisin des garçons

C’est aussi d’une manière originale que le cinéaste construit et met en scène ses personnages secondaires, ces derniers conférant à quelques scènes une dose de légèreté teintée d’humour, permettant une distanciation face au misérabilisme dont sont a priori porteurs ces enfants abandonnés. Tous ces personnages se distinguent par l’aspect caricatural et quasi burlesque de leurs attitudes (moues grimaçantes, silhouettes pauvres et marginales, à l’image de Bœuf et sa femme). Le frère de Danny, plein d’animosité et motivé par une violence autiste, est ainsi un mélange de grand bêta et de grossière créature. C’est dans les brèves apparitions du voisin des garçons que ce comique à la fois subtil et burlesque prend toute son ampleur. Tel un fantôme, il apparaît aussi vite qu’il disparait à l’arrière-plan.

Mais si le placement de ces personnages secondaires est fin et bien pensé, on regrette néanmoins que le cinéaste ne soit pas allé plus loin dans leur construction. Il y a quelque chose d’inabouti chez ces personnages de bras cassés qui pourtant, par leurs présences incongrues, auraient à certains moments pu redynamiser un peu le film.

Si le récit semble quelquefois s’essouffler dans une quête tournant vite un peu en rond, la remarquable interprétation, débordante d’énergie et de talent, des trois jeunes garçons (Martin Nissen, Zacharie Chasseriaud, Paul Bartel) rehausse constamment le niveau d’un film qui connaît certes quelques égarements, mais reste troublant de sincérité.

(1) Réalisatrice de Naissance des pieuvres (2007) et de Tomboy (2011).

Titre original : Les Géants

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Durée : 85 mn


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