Les Borgia

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Mafia fin XVe siècle, indigestion début XXIe siècle. Imaginez « Les Coeurs brûlés » + « Zodiaque » + « Les Roi Maudits », cela donne « Les Borgia ».

Les Borgia, c’est comme une boulangerie néerlandaise, il faut se méfier, il y a toujours une saucisse cachée dans votre croissant. Le croissant, c’est le sujet : l’histoire violente et sanglante de Rodrigo Borgia/Alexandre VI et de sa famille durant son pontificat à l’orée du XVIe siècle. Mais aussi potentiellement le casting avec entre autres Luis Homar (Etreintes brisées), Paz Vega (Parle avec elle, Le Mas des alouettes)… La saucisse, c’est le film lui-même : un gigantesque ratage et une (très) longue erreur.
 
Sans même s’attarder sur les erreurs historiques (erreurs de datation, libertés prises sur les biographies, certes mal connues…), le film s’embourbe dans une série de clichés indigestes tant dans les personnages que dans les situations. La frêle jeune fille, le beau ténébreux, le playboy latin, le cocu alcoolique… Les personnages, déjà caricaturaux en soi, sont incarnés par des acteurs surjouant au possible. La palme revenant à Segio Peris-Mencheta/César Borgia spécialiste ès menton volontaire, moue boudeuse et regard froncé. Sans oublier que l’action se déroule en Italie, donc les Italiens, c’est connu, parlent fort, très fort. La mise en scène est digne du feuilleton de l’été. Tous les ingrédients en sont d’ailleurs présents : secrets de famille, meurtre, sexe, trahison, rumeur, mensonge… L’affiche titre sans vergogne : "ambition, passion, pouvoir". Amour, gloire et beauté ? Au Vatican peut-être, mais certainement pas dans la salle.
 
Régulièrement, un plan d’ensemble vient rappeler à quel point le paysage est magnifique. Ben oui, qui dit série de l’été dit aussi évasion. Le réalisateur Antonio Hernandez, recourent souvent au travelling, c’est élégant et ça ne mange pas de pain. Sans être nécessairement aussi extrême qu’un Godard disant "le travelling est affaire de morale", on est en droit de demander à un réalisateur de faire sens avec la mise en scène et pas seulement du décorum. De façon quasi systématique chaque scène violente s’achève par une séquence de sexe, voire d’orgasme quand on est chanceux. Si l’on peut admettre cette proposition une fois, cela devient d’abord pesant puis absolument ridicule quand le procédé est répété à intervalle régulier, toutes les dix minutes (ben oui, le rythme c’est important). Mais une fois la machine lancée, impossible de l’arrêter.
 

 
Pourtant le sujet n’est pas dénué d’intérêt. Sans un traitement volontairement aguicheur, la mise en scène d’une volonté de puissance et de la confusion entre pouvoir public (celui du pontife) et privé (celui du père, du frère…) aurait pu donner lieu à un film dense et intéressant sur cette page de l’histoire italienne. De même que certains détails sont bien sentis et font sens : la robe papale immaculée qui se tâche du sang d’une victime par exemple. Ou encore le rapport entre pouvoir et arts. Mais ici, on a préféré se vautrer dans la vulgarité et éviter de croire que le spectateur peut être autre chose qu’un âne bavant. Et on aligne les séquences grandiloquentes : les larmes de crocodiles du père à la mort de l’un de ses enfants en plan fixe bien sûr (pas de coupes, il faut que le spectateur y croie), la crise de nerf papale qui voit le pontife jeter ses beaux coussins de velours rouge à travers le Vatican…
 
Il est d’ailleurs symptomatique que le film nommé aux Goyas (les Césars espagnols) en 2007 ne l’ait été que dans les catégories techniques (meilleur montage, meilleurs costumes, meilleure direction artistique et meilleure direction de production). Luciano Capozzi a d’ailleurs reçu le prix Goya des meilleurs costumes et le prix des meilleurs costumes au Festival international Cinéma et Costumes de Moulins-sur-Allier. Le seul réconfort que peut apporter ce film est encore d’imaginer un casting pour une adaptation à la télévision française. Si cela ne déjoue pas l’ennui et l’exaspération communiquée par Les Borgia durant ces deux heures et demi, cela permet au moins de sourire un minimum. Et face à ce film, ce n’est pas une sinécure. Car Les Borgia ce n’est pas un croissant, c’est un mauvais Saint-Honoré. Plein de crème, mais sans tour de main.

Titre original : Los Borgia

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Durée : 146 mn


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