Ce qui les réunit ? Leur casting : en effet, Owen Wilson et le réalisateur Wes Anderson appartiennent tous deux à l’entourage à l’acteur déjanté Jack Black qui rejoue les classiques des années quatre-vingt dans Soyez sympas… ! Or, ces trois noms se rattachent à un groupe bien précis de personnalités du cinéma américain dont l’importance est loin d’être négligeable aux Etats-Unis : le « Frat Pack ». L’occasion de faire plus ample connaissance avec le Frat Pack.
Derrière ce nom se cache un large groupe d’acteurs qui ont tous été amenés à jouer ensemble : ce sont notamment Ben Stiller, Vince Vaughn, les frères Owen et Luke Wilson, Will Ferrell, Jack Black et Steve Carell. Le journal USA Today leur a donné ce nom, opérant un croisement transgénérationnel entre le Rat Pack de Frank Sinatra et ses acolytes dans les années 1960, le Brat Pack de la jeune garde montante d’acteurs des 80’s comme Martin Sheen – tombé depuis dans un vague oubli – et les fraternities, ces cercles d’initiés des universités américaines (le "Frat" du nom).
Ainsi, c’est la présence de ces acteurs aujourd’hui reconnus qui caractérise un film du Frat Pack. D’ailleurs, le petit jeu consiste à compter les apparitions des uns dans les films des autres, car tous ont érigé l’apparition (« cameo » en anglais) en genre à part entière. Le Frat Pack est donc avant tout l’histoire d’un cercle d’amis, d’une « bande de potes » qui fait des films.
Le grand nombre des animateurs de ce groupe leur permet en outre d’être particulièrement prolifiques et polyvalents. En effet, les membres du Frat Pack ne se contentent pas de jouer dans des films. Ils en sont également le plus souvent concepteurs : ils les écrivent, les produisent et les réalisent. Cet aspect « multi-casquettes » du Frat Pack se perd vite dans les méandres des noms et des titres qui leur sont liés.
Il semble tout de même faire un rapide tour d’horizon des membres du Pack. Le plus facilement identifiable est Ben Stiller : leader reconnu du groupe, c’est lui qui est à l’origine du premier « classique » du genre Frat Pack, Zoolander, dont il a signé le scénario, la réalisation et la production, et dans lequel il joue également. La plupart des autres membres du groupe ont travaillé sur des projets qu’il a produits ou réalisés. Enfin, il a en quelque sorte lancé la mode des « apparitions » dans les films de ses comparses.
Will Ferrell s’est lui formé à l’école de l’improvisation et a fait les grandes heures du show télévisé Saturday Night Live, particulièrement en pastiche déjanté de Georges W. Bush. Il est à l’affiche de nombreux films du Pack mettant en scène des personnages limites.
Vince Vaughn n’est quant-à lui pas exclusivement lié au Frat Pack. Il a auparavant joué dans de nombreux films où il interprétait le « méchant » (ainsi dans le remake de Psychose de Gus Van Sant). Puis il a fait une entrée fracassante dans le club du Frat Pack et son nom figure désormais au générique de nombre de ses films, dont le plus marquant est Sérial Noceurs.
Owen Wilson est lié, tel un frère jumeau, à Ben Stiller – leur duo est immanquablement annonciateur d’une comédie du Frat Pack. Il est par ailleurs le scénariste de plusieurs films, comme La famille Tenenbaum réalisé par Wes Anderson. Son (véritable) frère s’appelle Luke. Lui aussi fait partie du Pack. Il n’a certes pas participé à beaucoup de films du groupe mais s’y rattache quand même. Abonné aux rôles du copain sympa ou du jeune romantique, il est surtout à retenir dans Retour à la fac, un autre grand titre du Pack.
Jack Black a scellé sa connexion avec le Pack grâce à un petit rôle dans Disjoncté de Ben Stiller. Mais c’est surtout Tenacious D in : the Pick of Destiny, film produit par Stiller et au style Frat Pack, qui le propulse au coeur du club.
Citons enfin Steve Carell qui a rejoint le Pack assez récemment (en 2006) et de manière indirecte, par l’entremise du réalisateur et co-scénariste de la comédie Quarante ans, toujours puceau, Judd Apatow.
Le Frat Pack est toutefois ouvert aux nouveaux membres. Une multitude d’artistes gravitent autour de ce noyau, que la presse s’amuse à repérer et à rattacher au groupe. Ainsi, le Frat Pack ne serait pas au complet sans le concours de quelques réalisateurs qui apportent leur touche aux films. On retiendra Wes Anderson, qui a déjà dirigé plusieurs fois Owen Wilson (un ami d’université!) et le retrouve dans A bord du Darjeeling Limited. Judd Apatow, lui, a écrit et produit plusieurs films du Pack qui ont beaucoup fait parler d’eux, notamment En cloque, mode d’emploi, suite de Quarante ans, toujours puceau sortie l’année dernière.
Le plus souvent, les sujets abordés dans les films de cette confrérie de comiques américains sont véritablement improbables : une compétition de balle au prisonnier (Dodgeball, même pas mal !), une course automobile (Ricky Bobby, roi du circuit) ou encore une compétition de top models masculins (Zoolander).
Au-delà de l’histoire développée, ce qui fait véritablement la marque d’un film du Pack est toutefois son ton : une certaine forme de comédie, où seule la farce et la débilité sont de mise ! Les personnages rivalisent d’idiotie, les situations sont poussées jusqu’à l’absurde et les blagues potaches fusent. Tout devient prétexte à des numéros comiques auxquels il ne faut surtout pas chercher un sens logique. Ces comédies se soucient plus de mettre le délire de leurs auteurs sur pellicule que leur sens de l’observation ou de la satire.
Le Frat Pack est en quelque sorte l’univers – extrêmement populaire aux Etats-Unis – du film « bête ». Mais, et voici l’originalité du mouvement, cette bêtise est précisément recherchée et assumée par ses auteurs. Si, à l’instar des teen movies (comme American Pie), le genre Frat Pack offre un humour régressif au ras des paquerettes, les oeuvres du Pack s’en distinguent toutefois clairement, se situant plus du côté de la comédie délirante et caricaturale.
Le Pack a souvent recours à la parodie. Cela tient à la formation de ses membres: la télévision. L’école du Saturday night Live, émission culte aux US par laquelle sont passés tous les acteurs comiques américains des deux dernières décennies, constitue d’ailleurs peut-être leur point commun le plus saillant. A l’exception d’Owen Wilson, les membres du Frat Pack ont tous participé à l’émission où ils ont pu tester, roder et affirmer leur humour crétin et second degré – voire plus. Les numéros qu’il y ont joué ont été pour eux l’occasion de se travestir et d’improviser en racontant des histoires sans queue ni tête.
C’est tout naturellement que les membres du Pack sont ensuite passés sur le grand écran où ils proposent, souvent avec de grands moyens, leurs comédies. Ils s’inscrivent en cela dans l’histoire de la comédie américaine qui est justement marquée, depuis la fin des années 70, par l’éclosion de nouveaux visages grâce à la télévision. En effet, le Frat Pack n’existerait certainement pas sans ces illustres prédécesseurs que sont John Belushi, Bill Murray, Dan Akroyd et Harold Ramis. On retrouve là une de ces « fausses » coïncidences : le film SOS Fantômes, grand succès du milieu des années 80 avec Murray, Ramis et Akroyd, est justement repris par Jack Black dans Soyez sympas… On ne peut s’empêcher d’y déceler une forme d’hommage à ces aînés !
Malgré toutes leurs qualités, il est frappant de constater que les films des membres du Frat Pack (contrairement à ceux de leurs prédécesseurs) dépassent difficilement les frontières de leur pays. S’ils connaissent un immense succès aux Etats-Unis, ils mobilisent relativement peu le public en France – certains n’y sont même pas sortis en salle. Une des explications se trouve peut-être dans la prétention purement personnelle qu’ont la plupart de ces films : il s’agit pour les Stiller, Ferell et autres d’offrir un délire un peu en circuit fermé, sans réelle critique du monde extérieur. D’où la limite de leurs représentations, avec tics et gestuelles récurrents. Les membres du Pack ne cherchent pas tant à s’attaquer aux institutions en place qu’ à offrir le portrait de personnages pathétiques, en quête de respect de soi et de légitimité.
Mais la mutation des films du Frat Pack est peut-être en cours, comme en témoigne A bord du Drajeeling Limited, qui propose de sortir du cadre restreint de la comédie loufoque pour ouvrir sur une tonalité plus douce-amère, plaçant un petit peu plus ses animateurs dans la réalité de leur époque.