Jeunesse, mon amour.

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A la recherche de l’adolescence perdue.

Après plusieurs années, un groupe de jeunes adultes se retrouve. L’époque du lycée est révolue, mais les amis tentent d’en raviver l’esprit et les liens. Lors de cet après-midi hors du temps, où les souvenirs et non-dits refont surface, chacun prend conscience de ce qui a changé.

Au début, nous assistons à une chorégraphie : celle d’une main, qui s’agite, avec en toile de fond une route qui défile. La jeune femme esquissant cette danse se prénomme Lila, passagère d’une voiture conduite par son compagnon, Matt. Nous pressentons entre eux une tension, émanant essentiellement de Matt. Après ce prologue, vient l’arrivée dans un endroit connu : un pavillon appartenant aux parents d’un ami, Dim, souhaitant vendre cette demeure. Nous prenons ensuite connaissance des autres membres du groupe d’amis qui se retrouvent après quelques années : Alban, le mélancolique, Elio, le frère cadet de Dim, Mélo, la dynamique sensuelle, et Mami, déjà établie professionnellement à Paris.

Ce qui aurait pu devenir une comédie fondée sur la nostalgie lycéenne et adolescente, notamment via la remémoration narrée des frasques de Dim, qui apparaît comme facétieux mais aussi fanfaron, ou de Mélo, aux frasques amoureuses, prend au second tiers du long-métrage la tournure d’un huis clos où tension, jalousie et non-dits qui viennent à la surface révèlent les véritables moi et émois des personnages. Et, surtout, un amour perdu, celui entre Lila et Alban, les anciens « roi et reine du lycée », dont les retrouvailles attisent la détestation de Matt. Au moment où Matt, par calcul, et sans l’accord de sa compagne, confie que cette dernière est enceinte, Alban se réfugie dans le pavillon, quittant le flot de congratulations, et, dans une séquence onirique subtilement filmée, se plonge dans le passé grâce aux photographies du groupe punaisées dans une salle d’eau. Avec maestria, ce passé désormais révolu mais qui ressurgit telle une réminiscence proustienne version 2000, colorée, dansée, où les protagonistes sont déguisés,  donne à ce film une nouvelle voie : celle d’un réalisme magique, merveilleux.

Une fois les libations passées, et le départ de Mami (qui ne ressent plus l’union amicale), le groupe part pour une balade en forêt, avec le chien de Dim, un husky témoin de ces agitations humaines, être contemplatif et parfois mélancolique. Cette seconde partie du film confirmera sous plusieurs aspects l’impression de perte, de dissolution. D’autres règlements de compte oraux,  plus menaçants, mais aussi des révélations plus sentimentales et passionnées, attendent le spectateur.

Pour un premier long-métrage, Léo Fontaine assure une maîtrise des plans, des regards, des rythmes : gros plans, plans américains, ralentis, couleurs, jeu sur la lumière, plans plus larges dans la forêt qui sépare les personnages, une musique variée; tout fait sens, s’imbrique, pour le plaisir humain et esthétique du spectateur-témoin. Une merveilleuse découverte, pour un cinéaste prometteur, accompagné d’un troupe d’acteurs formidables, qui ont travaillé les textes et les personnages, en laissant une part appréciable à l’improvisation et à l’instinctif. Nous souhaitons les revoir prochainement. Jeunesse, mon amour : une comédie mélancolique, une œuvre sur la perte, où l’amertume remplace les retrouvailles que nous espérions joyeuses.

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