La Mémoire éternelle

Article écrit par

Contre l’oubli.

Le documentaire La mémoire éternelle de Maite Alberdi relate les détails de la maladie d’Augusto Góngora, un journaliste chilien renommé et respecté atteint de la maladie d’Alzheimer. Son épouse, Paulina Urrutia, actrice et ancienne ministre de la Culture sous le gouvernement de Michelle Bachelet, documente les hauts et les bas de son mari, l’aidant principalement à se souvenir, à se rappeler et à maintenir son identité vivante au-delà des défis de la maladie.

 

Góngora, décédé en mai 2023, a été un farouche opposant au gouvernement d’Augusto Pinochet, et sa mission première en tant que journaliste a été de préserver la mémoire du peuple chilien, en veillant à ce que les crimes et les abus commis pendant la dictature de Pinochet ne soient jamais oubliés. C’est précisément l’exploration poétique, tantôt dramatique, tantôts humoristique des fluctuations de la mémoire qui fait que ce beau documentaire transcende l’expérience personnelle de Paulina et Augusto, en devenant une réflexion sur le rôle que jouent les souvenirs dans l’identité personnelle.

Au cours de ce documentaire, les spectateurs assistent non seulement des hauts et des bas de Paulina et Augusto, de leurs moments de désespoir, de réflexion et de rire, mais ressentent également ce film comme un hommage à la carrière journalistique d’Augusto et à sa lutte contre la dictature et l’oubli. Les images d’archives tant journalistiques que familiales des protagonistes nous aident à nous souvenir de l’histoire récente du Chili et des efforts déployés par la société chilienne pour retrouver la démocratie. Un moment marquant dans cette œuvre subtile se produit lorsque ces images journalistiques sont introduites. Augusto et d’autres collègues présentent un livre intitulé Chilie: la memoria prohibida  (Chili : La mémoire interdite, paru en 1989). Góngora remarque à propos de cet événement : « Je crois qu’il est très important de reconstruire notre mémoire ; c’est toujours une tentative de se voir nous-mêmes, de reconnaître la douleur, de surmonter notre chagrin. »

La Mémoire éternelle est précisément cela : un acte de reconstruction ainsi qu’un processus de deuil face à l’adversité et aux conséquences déshumanisantes de la maladie d’Alzheimer. Maite Alberdi parvient non seulement à raconter une histoire personnelle réconfortante, grâce à un montage, une mise en images, et par la force du couple protagoniste, mais aussi une de ces histoires qui s’entremêlent inévitablement avec la vie politique et sociale d’un pays, nous invitant à réfléchir profondément sur le lien indissoluble entre identité et mémoire.

Titre original : La memoria infinita

Réalisateur :

Acteurs : ,

Année :

Genre :

Pays :

Durée : 85 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Le pavillon d’or

Le pavillon d’or

En incendiant la pagode dorée de Kyoto, relique architecturale, un jeune bonze expérimente une catharsis intérieure et la purgation des traumatismes qu’il a vécus jusqu’alors. Adaptant librement le roman de Yukio Mishima dans un scope noir et blanc éclairant le côté sombre du personnage, Kon Ichikawa suit l’itinéraire d’apprentissage torturant qui a conduit son antihéros à commettre l’irréparable.

La classe ouvrière va au paradis

La classe ouvrière va au paradis

Avec « La classe ouvrière va au paradis », Elio Petri livre un pamphlet kafkaïen sur l’effondrement des utopies du changement au sein de la mouvance ouvrière. Le panorama est sombre à une époque où l’on pouvait encore croire dans la possibilité d’un compromis politique et idéologique entre le prolétariat et les étudiants extrémistes militants en tant que ferment révolutionnaire. A l’aube des années 70, le cinéaste force à dessein le trait d’une aliénation au travail confrontée aux normes de productivité. Analyse…