L’ange de la vengeance (Ms. 45)

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Avec son deuxième film Ferrara signe un drame âpre et violent, chant du cygne du cinoche d´exploitation, où l´incarnation de la vengeance n´a jamais été aussi séduisante. Une claque underground.

DVD disponible le 11 mars 2008 Chez Aquarelle Editions

Tout le monde sait que Ferrara affectionne New York, ses buildings, ses voyous, ses rues mal famées et son cortège de gueules patibulaires. Souvenez vous de Bad Lieutenant et de The king of New York, Harvey Keitel sniffant de la coke et se masturbant devant des jeunes filles, Christopher Walken en maître incontesté régnant sur des nuits rouge de sang. Des personnages charismatiques sous l’œil d’une caméra prédatrice attendant la chute de ses héros, voilà comment l’on pourrait définir la majeure partie de l’œuvre de ce clochard céleste, un cinéaste en marge pour qui l’homme ne vit que dans sa part sombre ou illuminée.

Le cinéma d’Abel Ferrara est un cinéma de la pulsion et de l’instinct. Pulsion sexuelle et meurtrière, instinct de survie et de défense, dans les grandes villes l’homme traque, tout comme Ferrara traque la folie, la misère, la frustration, la colère. Il est un cinéaste de l’abyme, où le fardeau de l’existence s’allège à coup de viol, de meurtres et de domination. Et si beaucoup de personnes à ses débuts l’ont trouvé excessif dans sa mise en scène et sa noirceur, c’est parce que Ferrara est sincère dans sa détresse et dans sa croyance au cinéma comme langage de la vie. Une vie qui nous fout son poing poisseux sur la gueule entre deux ruelles mal éclairées, sous l’œil attentif du témoin de la déchéance.

L’ange de la vengeance est un rape and revenge, sous-genre du vigilant movie, ces films d’autodéfense à la moralité souvent ambiguë dont les protagonistes se mettent au-dessus de la loi pour régler ce que la justice n’est plus capable de faire. Ce sous-genre débute souvent sur le même postulat : au départ un viol ou un meurtre, puis la vengeance, froide et implacable. Reste à voir le traitement infligé par le réalisateur au sujet, entre La source de Bergman et Irréversible De Gaspard Noé pour le viol et la vengeance, en passant par Délivrance, La dernière maison sur la gauche et I piss on your grave. Des films douloureux, humains, subversifs. Et quand c’est Ferrara qui s’y colle, la vengeance a un goût de bitume trempé dans l’urine.

L’ange en question est une belle vierge muette qui, en rentrant chez elle, subira un double viol. Se développe alors une hantise de la gent masculine et une paranoïa grandissante la coupant complètement de la réalité. Malgré elle, la petite vierge effarouchée va se transformer en vamp incendiaire, et Ferrara soulignera cette mutation meurtrière en ne construisant son film que selon le point de vue de la victime, laissant le spectateur conscient de sa dérive tout en compatissant à son sort. Par un procédé assez simple, chaque virée dans les rues de New York ponctuée par un meurtre se termine par le retour à l’appartement de « l’ange », Ferrara enferme son héroïne dans une spirale destructrice tout en la rendant de plus en plus attirante, les formes généreuse de Zoë Tamerlys devenant son arme et ses lèvres rouge sang un appel au meurtre. Ferrara joue sur cette attirance jusqu’à provoquer un malaise d’ordre idéologique et éthique, malaise accentué par un saxophone strident, sexuel et fatal, proche de celui de Lost Highway.

Pour autant le cinéaste ne se complait pas dans le portrait d’une victime en manque de castration, et déballe son film comme les rouages d’une machine non désirante, suffocante dans son attirance narcissique et son nihilisme forcé, où la caméra avance et recule aussitôt, s’attarde affectueusement sur la femme et morcelle violemment l’homme. Sans oublier une maîtrise de l’espace urbain étourdissante, New York n’est qu’un dédale obscur aux sombres ruelles, et un découpage nerveux et spasmodique laissant apparaître une personnalité tourmentée. Bref, L’ange de la vengeance augurait d’un destin cinématographique borderline, à l’image de son auteur, apôtre aux ailes brûlées qui n’aura de cesse de sourire à la face cramée de l’existence.

Le DVD sortira le 11 mars 2008 dans une belle édition grâce à l’Editeur Aquarelle, dans un transfert 16/9 au format 1.78 accompagné de pistes DD 5.1 et Mono 2.0 en anglais, d’une piste Mono 2.0 en français et de sous-titres dans notre langue
A noter dans les suppléments deux interviews très intéressantes, l’une de Christophe Lemaire ex-Starfix, faisant partager son amour du genre en racontant le contexte de la sortie française du film (ah les années 80 !), puis celle du passionnant Jean-Baptiste Thoret à la logorrhée infatigable expliquant ce qu’est le film d’autodéfense. Rien n’est trop bon pour éclairer un film comme L’ange de la vengeance.
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Titre original : Ms. 45

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Durée : 80 mn


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