La rose pourpre du Caire (The Purple Rose of Cairo,1986).Note : 3 étoiles.

Milieu des années trente, pour oublier la dépression économique qui touche son pays et la pression qu’elle subit de la part d’un mari violent, Cecilia se réfugie quasiment tous les soirs dans la salle de cinéma de son quartier. La fascination qu’elle éprouve pour l’exotique La rose pourpre du Caire n’échappe pas à l’un de ses personnages principaux qui quitte l’écran pour la rejoindre dans le monde réel. Hommage à la magie du cinéma, en scène inaugurale et finale, le ballet de Ginger Rogers et Fred Astaire, I’m in Heaven (Irving Berlin) dans Top Hat. Comme son héroïne, Woody Allen a souvent trouvé dans les salles obscures un antidote à ses acmés de blues.
Le couple Mia Farrow et Jeff Daniels -dans le double rôle de l’acteur vedette et de son personnage- est irrésistible. Allen transforme les rêves en réalité, dans une fable loufoque au charme suranné, celui des années d’or d’Hollywood, -superbe photographie de Gordon Willis. Allen joue à fond la carte du loufoque, sans aucun temps mort . La rose pourpre du Caire, tout comme Alice, Midnight in Paris et Le sortilège du Scorpion de Jade, invite au lâcher-prise en reléguant l’égo et les questionnements existentiels de ses personnages très loin en arrière plan. Ce pan de l’œuvre d’Allen, beaucoup plus accessible à un large public possède un charme réel, on peut cependant lui préférer d’autres versants plus sombres et/ou plus introspectifs du cinéaste.
Hannah et ses sœurs (Hannah And Her Sisters, 1987). Note : 5 étoiles.

Comédienne de théâtre, épouse comblée, Hannah (Mia Farrow), s’impose comme un modèle de réussite inatteignable pour ses deux sœurs, Holly et Lee, en perpétuelle crise existentielle. Ce bonheur de façade l’empêche d’éprouver une réelle empathie pour ses proches, et, surtout, de comprendre que le récent détachement de son mari, Elliot, est dû à un flirt très avancé avec Lee.
Hannah et ses sœurs, est le plus bel hommage rendu par Woody Allen à Anton Tchekhov, avec qui il partage, ou à qui il doit, son tropisme de la désillusion : rêves de gloire sans cesse avortés, amours sans lendemain, le passé en perpétuelle ligne de mire… Trois sœurs chez, deux +une chez Allen, car Hannah se place en figure maternelle dans cette sororie, la mère, Norma, étant une insatiable jouvencelle. Autour d’une Mia Farrow, étonnante de placidité et de force tranquille, se démènent, deux merveilleux papillons fascinés par les lumières de la réussite. Holly (Diane Wiest) tente une carrière derrière les fourneaux tout en ayant jamais abandonné l’ambition de triompher sur les planches à Broadway. Lee (Barbara Hersdhey), encore en phase d’apprentissage, impressionnée par les hommes mûrs et sûrs de leur science. Les personnages féminins cités plus haut et April (Carrie Fisher), une amie proche et pourtant concurrente, insufflent toute l’énergie de cette enivrante ronde des sentiments. Woody Allenn ne s’appuie pas seulement sur la conception d’une playlist de jazz et de musique classique dont il a le secret pour atteindre le firmament de son art du portrait choral, le montage tonique et, surtout de délicats mouvements de caméra sont autant d’invitation à la danse.
La référence à Ingmar Bergman, cinéaste de chevet d’Allen apporte une touche de gravité aux interrogations existentielles. Max Von Sydow, onze films avec le maître suédois, incarne la face tourmentée du Pygmalion.. Autre double fantasmé, Michael Caine, flegmatique et charismatique dans la position de l’amoureux transit. Woody Allen se met également en scène, avec l’autodérision qui le caractérise, endossant le rôle de l’ex-mari d’Hannah, un producteur de télé carcinophobe en quête d’une conversion religieuse. Aux questionnements nombrilistes, s’ajoutent des réflexions sur le nazisme, la Mort, la Solitude, abordées avec un sérieux et un sens inimitable de la formule. Hannah et ses sœur, une œuvre somme, d’une sensibilité et d’une vitalité sans pareil dans l’œuvre d’Allen. Celle d’un auteur qui a souvent – à tord- minimisé la qualité de son travail.
La rose pourpre du Caire/ Hannah et ses sœurs : sorties blu-ray et DVD chez BQHL.




