La Maison jaune

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Film d’amour et de solidarité, La maison jaune est une déclaration de flamme à l’Algérie, à la vie, à l’espérance.

Traité à la manière néoréaliste, ce très beau film, écrit, filmé et interprété par Amor Hakkar, mérite de figurer dans notre panthéon des films préférés parce qu’il traduit bien, à mon sens, le courage et l’abnégation d’un père dans un pays difficile (les Aurès) face à une bureaucratie impérieuse. Le film aurait d’ailleurs tout aussi bien pu s’appeler Père courage car il illustre la pugnacité d’un père qui recourt sans cesse à son imagination, son obstination et sa persévérance pour survivre et faire vivre sa famille. Tourné en langue berbère, La maison jaune met en scène à la fois des personnages attachants et des paysages d’une grande beauté dans leur aridité même.

Lorsqu’il apprend par sa jeune fille que son fils est mort au cours d’un exercice alors qu’il faisait son service militaire, Mouloud, paysan pauvre qui arrache à la terre sèche et âpre des Aurès quelques pommes de terre, va chercher le corps de son fils. Sur la selle de sa Lambreta, entre tracteur et motocyclette pourvue d’une petite carriole, Mouloud part sur les routes comme le vieil homme de Une histoire vraie de David Lynch (1999). Obstiné et mélancolique, il sait qu’il doit accomplir ce voyage pour sauver la mémoire de son fils et guérir son épouse de sa tristesse. Filmé comme un road-movie qui ne manquera pas de donner au spectateur de grandes émotions esthétiques et sentimentales, l’histoire de Mouloud narre ce voyage initiatique qui lui permet de rencontrer des personnes qui vont, sans le savoir ni le vouloir vraiment, l’aider. Tous ces personnages représentent l’humanité généreuse, unie nolens volens contre le pouvoir arbitraire de la bureaucratie, et pas seulement algérienne.

Mouloud est en effet présenté comme le Papagueno de La flûte enchantée devant les portes de la Loi, mais aussi comme le personnage de Kafka devant la Loi lui aussi dans Le procès, mais l’optimisme en plus. Car, de cette volonté farouche qui l’habite et qui lui permet d’avancer sans courber l’échine et sans être violent toutefois, naissent des rencontres qui vont changer sa vie et le faire progresser : l’employé de la morgue, le chauffeur de taxi, l’imam, le restaurateur, et bien sûr sa propre fille dont il découvre aussi la détermination, aussi forte que la sienne… Tous vont l’aider à réaliser son projet, jusqu’à, y compris, ce pharmacien rencontré par hasard dans son échoppe et qui donne son titre au film. En effet, pour lutter contre la mélancolie de son épouse, il lui conseille de peindre la maison en jaune. D’où ce titre qui, avec son affiche en forme d’aquarelle, évoque Maurice Utrillo et sa maison rose, mais aussi Cézanne par une sorte de cénesthésie. En fait, revoyant au restaurant grâce au magnétoscope du patron les images de son fils vivant, il n’aura de cesse de vouloir montrer ces images à sa femme pour lui redonner vie. Et il y parviendra, non sans mal, à travers diverses démarches qu’on vous laisse découvrir mais qui, dans un pays aussi hiérarchisé, aurait découragé les hommes les plus vaillants.

Mais ce voyage, cet acharnement aussi, en valaient la peine, ne serait-ce que pour retrouver le sourire sur le visage de la mère, à la fin du film, lorsqu’elle revoit son fils leur dire tout son amour dans cette sorte de portrait vidéo inattendu. Film d’amour et de solidarité, La maison jaune est une déclaration de flamme à l’Algérie, à la vie, à l’espérance. Ne l’oublions pas.

Titre original : La Maison jaune

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Durée : 80 mn


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