Kaamelott : Premier Volet avait ses défauts. Entre une photographie télévisuelle, un montage épileptique et une avarice d’enjeux dramatiques ; la série créée par Alexandre Astier (auteur, réalisateur, acteur, compositeur et monteur sur le film) n’a pas fait l’unanimité lors de son passage au cinéma. Qu’à cela ne tienne, l’auteur de ces lignes n’a pas boudé son plaisir et s’est laissé envoûter par la sincérité du projet. 4 ans et plus de 2,7 millions d’entrées plus tard, Kaamelott revient au cinéma avec la promesse d’une aventure plus spectaculaire. Un engagement qui n’est pas tenu selon les critiques presse qui assassinent le film depuis plusieurs jours. Mais alors, que vaut réellement le retour de notre Tolkien français ?
Dès la séquence d’introduction, Alexandre Astier étonne. Une musique épique, une ambiance cryptique, des ruines en CGI de bonne facture, un découpage millimétré et une mise en scène qui s’amuse avec l’immensité de ses décors ; le metteur en scène semble en pleine possession de ses moyens. Fulgurance éphémère ? Et bien non, puisque les inévitables scènes dialoguées qui s’ensuivent vont profiter du même soin plastique. La sidération est telle qu’on en vient à se demander si c’est toujours la même personne derrière la caméra. D’autant que la photographie apporte enfin une élégance cinématographique à l’ensemble, ce qui manquait cruellement au film précédent. Jamais la saga n’aura été filmée d’aussi belle manière. Chaque plan témoigne de l’ambition démesurée de l’entreprise. Force est de constater que notre Peter Jackson national a appris de ses erreurs et qu’il maitrise désormais aussi bien la caméra que le langage du montage.

Ce qui faisait le sel esthétique du premier chapitre est ici affiné avec encore plus de minutie. Le récit repousse les frontières de son univers et nous amène à voyager des coins inexplorés du royaume de Logre jusqu’aux terres lointaines de l’autre bout du monde. Les scènes bénéficient grandement de la somptuosité des costumes colorés et décalés. Ils iconisent les personnages, leur donnent une stature à l’image et incarnent l’identité visuelle du film. L’ensemble est accompagné d’une bande originale toujours aussi inventive, grandiose et onirique, qui rappelle sans mal le travail de caractérisation cher à John Williams sur Star Wars. Une inspiration complètement assumée par Alexandre Astier, de nouveau à la musique. Kaamelott : Deuxième Volet [partie 1] se donne les moyens de raconter son histoire. Il dépasse sa condition de simple comédie héritée de la télévision pour offrir un spectacle époustouflant. Il était temps.
Passée une première moitié de film à construire les fondations de son diptyque, le réalisateur prend ensuite la décision de fragmenter sa narration. L’action gagne de l’ampleur, l’appel à l’aventure amène une effervescence et des enjeux palpables. Il n’est plus question de réunir pour détruire mais de disperser pour reconstruire. Chacun avance avec un objectif clair, chaque groupe d’aventuriers part accomplir sa quête. L’effet « film choral » se dissipe et nous voilà partis vers quelque chose de paradoxalement plus intimiste. Pour s’unir, il faut apprendre à se retrouver avec soi-même. Très vite, on comprend que les missions ne sont que des prétextes et que l’épique est bien plus psychologique que purement visuel. Ni monstres, ni combats, simplement la beauté et l’absurdité du geste. C’est ça, Kaamelott.

À partir de là, Alexandre Astier laisse aller sa plume afin de libérer l’âme de la série ainsi que son appétence pour le phrasé. S’enchainent alors dialogues ciselés, répliques hilarantes et situations rocambolesques ; notamment avec le trio de mercenaires qui constitue la grande force comique du film : leur dynamique de groupe est un pur régal. De manière générale, l’entièreté du casting est une réussite incontestable, anciens comédiens comme nouveaux. Difficile de bouder son plaisir face à la musicalité des échanges chère à l’auteur.
Malgré tout, ce second volet n’est pas exempt de maladresses. Disons les choses simplement : Kaamelott : Deuxième Volet [partie 1] n’est pas écrit comme un film à part entière mais comme une moitié de film. À défaut d’un troisième acte et de résolutions concrètes, il préfère nous laisser sur notre faim sans se poser la question du but (le cliffhanger est une insulte). Le scénariste ouvre énormément de portes mais ne prend jamais la peine d’en fermer une seule. Au final, rien ne semble avancer ou avoir été accompli. L’impression d’avoir assisté à une bande annonce de 2h30 empêche de pleinement apprécier l’expérience. Même si les différents arcs auront sûrement un sens dans la partie 2, il est du devoir de l’auteur de nourrir ses spectateurs.

Au fur et à mesure, cette narration éparpillée trouve ses limites. Les allers et retours constants entre les différents lieux empêchent une totale implication. Et puis, soyons honnêtes, il y a une overdose de personnages. Certains groupes de chevaliers n’apportent rien quand ils ne sont pas tout simplement mis de côté. On aurait aimé une focalisation plus resserrée et une réelle évolution chez les personnages. La deuxième partie se devra de palier à ce vide dramaturgique. La confiance est toujours là.
Parasité par quelques grossièretés d’écriture, Kaamelott : Deuxième Volet [partie 1] propose une telle évolution technique et artistique qu’il offre enfin le souffle cinématographique que son univers méritait.




