Jason Bourne : l’héritage

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Dérivé musclé et efficace de la trilogie Jason Bourne.

Jason Bourne : l’héritage n’est pas à proprement parler une suite de la désormais célèbre trilogie, mais plutôt un produit dérivé, un spin-off aussi désireux de continuer à exploiter le filon que de poursuivre un scénario parfaitement rodé offrant toutes les ouvertures possibles. L’action se déroule ici non pas après la fin du troisième volet, mais en parallèle : on y retrouve notamment Pam Landy, la collaboratrice repentie de la CIA, juste après ses révélations et le meurtre du journaliste du Guardian Simon Ross au moment de son enquête sur Treadstone. À la fin du dernier épisode de la trilogie, La Vengeance dans la peau, l’agent Jason Bourne avait fini par reconstituer les pièces du puzzle (il avait en fait participé au programme Treadstone par choix), et les énormes révélations à la presse de Landy, qui mettait à jour les sombres agissements de l’organisation, lui permettaient de recouvrer une liberté durement acquise. Il était contraint à la solitude, mais libre.

La nouveauté, c’est qu’on apprend que Jason Bourne n’était pas un élément isolé, et que Treadstone et Blackfriar n’étaient qu’une infime partie des tentaculaires opérations secrètes de la CIA. D’autres super-agents ont été formés, toujours plus forts, toujours moins compatissants, prêts à effectuer des tâches à haut risque, seuls et en milieu hostile. Jason Bourne : l’héritage s’ouvre d’ailleurs sur une séquence musclée et parfaitement maîtrisée, où Aaron Cross (Jeremy Renner, l’héritier de Matt Damon) combat un loup à mains nues dans les montagnes de l’Alaska avant d’échapper par ruse à l’attaque d’un drone automatique. Aaron Cross, nouvel ersatz de Bourne donc, est l’un des six agents d’Outcome, opération née des suites de Treadstone. Mais les révélations de Bourne ayant fortement compromis la mission, ses membres sont promis à une liquidation fissa. L’occasion pour Cross de repartir en fuite aux quatre coins du monde, traînant avec lui Marta Shearing (Rachel Weisz, irréprochable), la biochimiste d’Outcome elle aussi devenue hautement indésirable une fois qu’elle a compris à quoi servaient ses recherches scientifiques.

C’est un peu compliqué à suivre : d’ailleurs, on arrête assez vite de tenter de démêler toutes les strates des différentes factions et motivations des méchants pour se concentrer sur la chasse à l’homme, ingrédient central de tous les Bourne précédents, que le nouvel opus reprend presque telle quelle. Les lieux changent (ici Manille et le Maryland), mais on a bien droit à une course-poursuite sur les toits en tôle de quartiers défavorisés, à des avions pris sous pseudo et à l’arrache, et à une cavale effrénée en moto dans les rues surpeuplées de la capitale philippine. Exit la caméra à l’épaule, les scènes explosives sont ici plus fluides, plus cinégéniques : mais ce qu’elles gagnent en technique, elles le perdent en authenticité, donnant moins l’impression d’être embedded, au coeur de l’action avec le héros, comme c’était le cas dans les trois premiers volets de la franchise et qui faisait entres autres qu’elle sortait du lot.

 

Tout n’est pas passionnant dans ce Bourne nouvelle génération, à commencer par le personnage d’Aaron Cross, assez grossièrement dessiné, et clairement moins attachant que celui incarné par Matt Damon. Parce que Cross sait où il va, pourquoi il le fait, là où Bourne avançait à l’aveugle, découvrant en même temps que nous les tenants et les aboutissants de sa mission. C’était la meilleure idée de la trilogie, celle de lancer son personnage en un territoire inconnu dont la cartographie ne se dévoilait qu’au fur et à mesure, et c’est elle qui manque à ce nouvel épisode. Ce n’est pas la faute de Jeremy Renner, acteur certainement bientôt bankable, suffisamment épais et bourrin pour faire croire à son rôle d’agent sur-entraîné et accro aux pilules jaunes et bleus desquelles, s’il ne comprend pas bien à quoi elles servent, il ne pourrait se passer. L’idée fulgurante de Jason Bourne : l’héritage vient de là : à mi-parcours, Cross révèle que sans elles, son QI redescendrait en-dessous d’un seuil qui confinerait à la bêtise. L’argument d’une augmentation des capacités intellectuelles, malheureusement trop furtif, rend son héros plus humain et a fortiori aimable, travaillé qu’il est par le fait qu’il pourrait bientôt ne plus rien comprendre.

Les autres atouts du film sont à chercher du côté d’éléments représentatifs de la paranoïa des États-Unis d’aujourd’hui, comme cette scène où, devenu fou, un scientifique abat un à un les membres de son laboratoire. C’est la peur panique des mass shootings qui s’exprime là, ceux auxquels les États-Unis sont régulièrement confrontés depuis Columbine jusqu’à la récente fusillade dans un cinéma du Texas au cours d’une avant-première du dernier Batman. Pour le reste, Jason Bourne : l’héritage fait le job, sans grande finesse ni fulgurance, mais avec une efficacité jamais entamée. Et même amputée de Matt Damon, cette nouvelle livraison reste un cran au-dessus du tout-venant des grosses productions hollywoodiennes de pur entertainment, efficace produit marketing qui devrait encore avoir de beaux jours devant lui.
 

Titre original : The Bourne Legacy

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Durée : 136 mn


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