Insidious

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Une famille, une maison, des fantômes : pour son quatrième film, James Wan joue avec les codes d´un genre séculaire pour flanquer une pétoche pas possible à une génération blindée contre la peur. Un coup de maître.

Petit exercice cinéphile : combien de fois avons-nous vraiment eu peur en regardant un film ? Non, on ne parle pas ici d’un bon sursaut des familles suite à l’arrivée d’un chat dans le champ, soutenue par un grand coup de violon pensé pour faire saigner des oreilles. On parle de longs métrages mettant véritablement les nerfs sous tension, au point que nos accoudoirs demandent clémence et que notre gorge s’assèche. Au point que les rires nerveux et regards complices vers nos voisins, tout aussi contents que nous de « bien s’être fait avoir » par un énième jump scare, sont oubliés.

Il y en a peu qui répondent à cette description, et ils ne font d’ailleurs pas toujours l’unanimité : La Maison du diable peut en laisser certains de marbre, tandis que d’autres ne comprennent toujours pas pourquoi L’Exorciste fait peur. De même, Insidious, qui ne rechigne pas à caser quelques jump scares quand il le faut, ne provoquera pas le même effet sur chaque spectateur. Au mieux, tout le monde sursautera. Au pire (mais ce pire est très relatif, vu le plaisir que cela procure), beaucoup vont découvrir ce que c’est d’avoir le trouillomètre à zéro dans une salle obscure. Car Insidious, contrairement à la quasi-intégralité des films fantastiques de la dernière décennie, fait peur. Vraiment peur.

Un film de maison hantée. Ou presque.

Avec peu de moyens, mais une foi inébranlable dans la puissance suggestive de son médium, James Wan parvient à ressusciter des sensations oubliées sur grand écran, tout du moins dans un cinéma américain depuis longtemps aseptisé. On s’en était remis aux cinéastes ibériques, tels Jaume Balaguero, ou nippons (de Nakata à Shimizu en passant par Kioshi Kurosawa) pour être secoués sans ménagement. Tout au plus pouvait-on louer le retour à l’horreur de Sam Raimi avec Jusqu’en enfer et son final apocalyptique. Sur un terrain pourtant balisé et propice à l’exploitation mercantile des recettes les plus éculées, James Wan et le scénariste/acteur Leigh Whannell (Saw, Death Sentence) ont joué la carte de l’innovation et du détournement des codes établis, quitte à passer pour des petits malins. Et ça marche.

Dans Insidious, un jeune couple, parents de trois enfants, s’installe dans une maison cossue de banlieue résidentielle, lui enseignant débordé de travail, elle mère au foyer et compositrice à ses heures perdues. Rien de bien anormal, jusqu’à ce qu’un de leurs garçons tombe d’une échelle dans le grenier… puis dans un simili coma profond, dont il ne se réveille pas. La famille est abattue, forcément, mais des phénomènes, bruits et apparitions étranges entourant ce drame font penser que le pire est à venir…


« Follow my voice, Dalton »

Si le danger venait du poste de télévision, on pourrait hurler au plagiat : en effet, dans son déroulement comme dans son décor, Insidious fait beaucoup penser au Poltergeist de Tobe Hopper (et Steven Spielberg). Une influence que revendique ouvertement le duo, qui a joué les conservateurs éclairés, en se référant à tous les niveaux à un cinéma fantastique révolu depuis les années 80. Un cinéma posé, élaboré, où la construction dramatique, la mise en situation de personnages crédibles et la participation du spectateur, sont plus importantes que les money shots de bande-annonces, les poses d’acteurs inutiles et les clins d’œil appuyés vers un public passif.

Insidious n’est pas un remake, un reboot ou un concept marketing (malgré ce qu’avancent des affiches mettant en avant le producteur-réalisateur de cette immondice qu’est Paranormal Activity) surfant sur une vague quelconque. C’est une histoire, simple mais captivante, qui carbure au premier degré assumé. Pas de béquilles scénaristiques, pas de cynisme : Wan et Whannell nous demandent d’oublier nos habitudes de zappeurs blasés pour plonger dans un pur récit d’angoisse en forme de train fantôme.

 

De plain-pied dans l’au-delà

Dès le premier plan, un travelling retourné qui s’avance dans une maison plongée dans l’obscurité, cette peur larvée nous saisit à la gorge, pour ne plus lâcher (ou presque). James Wan applique ainsi efficacement les leçons de William Friedkin : cette famille Lambert, confrontée à l’inexplicable et au mal absolu, nous ne la quittons jamais, et la caméra est à chaque fois témoin, en même temps qu’eux, des manifestations surnaturelles qui se multiplient dans la maison. Ces événements sont si soudains, si imaginatifs, si efficaces, si traumatisants même, qu’il suffit ensuite au cinéaste de prolonger un plan en grand angle, ou un travelling steadycamé, pour nous faire suer à grosses gouttes.

Ce style ample, à la fois clinique (impression renforcée par une photo désaturée qui blanchit au fur et à mesure les visages) et organique (Wan compose régulièrement des plans en mouvement suivant à la trace ses personnages, ou, au contraire, les encerclant), fait toute la différence, surtout quand débute le troisième acte : là, Insidious entre de plain-pied dans le fantastique pur, quasi abstrait, bien loin des considérations du « faux documentaire » et du « film à la première personne » popularisés par REC ou Paranormal Activity.

C’est là, alors que le film a clairement marqué sa rupture narrative par une pause comique inattendue (mais véritablement utile), que la connivence avec le public établie auparavant prouve son importance. C’est là également que le film fera débat, selon le degré de cartésianisme de chacun. Insidious gagne à ce moment sa cohérence, son originalité, seulement gâchée par un dénouement convenu, dont l’impact n’est pas comparable à tout ce qui précédait. Un finish un peu décevant, assurément. Mais quel voyage !

Titre original : Insidious

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Durée : 102 mn


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