Difficile de parler d’Infernal affairs sans évoquer son remake américain, débarqué sur les écrans français à la fin de l’année 2006. The Departed, réalisé par Martin Scorsese, reprenait comme toile de fond le scénario original dInfernal Affairs écrit et réalisé par deux cinéastes aujourd’hui reconnus, Andrew Lau et Alan Mak. Mais là où Scorsese appuie son récit (sans non plus le centrer totalement) sur le personnage de Nicholson, parrain de la mafia, le film des deux cinéastes hongkongais cherche davantage la relation que peuvent entretenir les deux ennemis infiltrés : sorte de Ying et de Yang humain, les deux pièces d’un même puzzle qui tend à se reformer.
Le film pose, dès le départ, une série de questions. La dualité, pour commencer, entre le bien et le mal. Un quatuor de protagonistes se livrant une même bataille, quatre personnages livrés à eux-mêmes, deux camps, deux objectifs mais une motivation commune. La première opposition concerne Wong et Sam. Le premier est lieutenant de police, le deuxième chef de file de la mafia locale. La seconde confronte Ming, jeune et intrépide mafieux, et Yan, policier en quête d’identité.
Commence alors un récit rocambolesque. La grande force du film réside dans un scénario taillé dans l’effet de surprise, l’originalité et la double interprétation. Le jeu du chat et de la souris se met en place, ménageant les scènes d’action pures. La tension d’installe dans des coups de téléphone où l’un prend le dessus sur l’autre sans jamais lui montrer son visage, dans ces scènes où le mal triomphe symboliquement du bien et inversement, parce que dans cette histoire, il n’y a ni héros, ni vainqueurs, ni perdants. Quelques scènes demeurent marquantes, comme celle de l’intervention de la police ou la séquence de la filature dans le métro d’un Hong Kong grandeur nature.
Puis il y a ces deux héros torturés, victimes malgré eux. Des personnages qui doutent et se respectent. Infernal Affairs est l’histoire d’un choix existentiel que chacun est en droit de faire, qu’il se trouve d’un côté ou de l’autre de la barrière. Ce choix paraît toujours en filigrane, comme l’aboutissement d’un soi intérieur.
La mise en scène des deux co-réalisateurs ajoute une dimension particulière à l’atmosphère de leur film : caméra toujours en mouvement, de manière virtuose, rythmée par un dynamisme propre au cinéma de Hong Kong, à la Johnnie To ou John Woo. Mais l’action laisse souvent place à la réflexion, s’écartant ainsi du traditionnel polar. L’intrigue condamne les moments d’héroïsme, préférant davantage la psychologie à l’explication musclée.
On pourra cependant regretter que l’affrontement entre Wong et Sam ne soit pas davantage éclairci, la courte durée du film faisant sans doute avorter toute tentative d’extrapolation trop précise.
Depuis sa sortie, Infernal affairs a vu naître deux suites, très bonnes également. L’une permettant de connaître les prémisses de l’histoire et l’autre son issue. La trilogie ainsi bâtie est cohérente, digne d’une véritable saga cinématographique. Rares sont les films sachant allier avec maestria aspect grand public et œuvre de réflexion. Infernal Affairs fait incontestablement parti de ceux-là. Puissance du scénario, écriture talentueuse, mise en scène d’excellente tenue, interprétation parfaite : voici qui marque de façon appréciable le cinéma hongkongais moderne.