Demoschronos, Dieu du Temps, est très surpris de voir apparaitre sur sa galaxie de plus en plus d’humanoïdes, complétement tétanisés, désorientés ; il décide alors de solliciter une déesse , Aphrodigita, habitant une planète voisine : Métaphora ; elle a un cerveau naturel et un cerveau électronique augmenté de puces et d’intelligence artificielle ; ainsi dotée d’une surpuissance de calcul, elle peut analyser les archives de tout l’univers et de tous temps et les compiler le plus souvent sous forme de métaphores. Demoschronos, inquiet de voir tant d’humanoïdes migrer en masse, se demande ce qui a bien pu se passer et demande à Aphrodigita de remonter le temps ; elle découvre alors en 2034 l’existence sur toute la planète Terre, de cinémas identiques intitulés Le Bien et le Mal dans lesquels sont organisés des interrogatoires…
Il était une fois le dernier cinéma de Paris représente une nouvelle étape dans l’œuvre de l’artiste complet qu’est Alexandre Bellas : ce long-métrage constitue en même temps une synthèse et un passage.
Demoschronos, dieu du Temps, assisté de la déesse Aphrodigita, s’enquiert et s’inquiète du sort des humanoïdes dont les survivants en 2084 (1984 + 100) désertent le globe terraqué pour trouver refuge dans une autre planète. Le dieu, après une recherche statuaire nous offrant une magnifique séquence esthétique et historique (un voyage qui nous mène de l’Antiquité à la Renaissance, puis vers notre monde contemporain), mène son enquête en remontant le cours temporel, d’abord en 2064, puis en 2044, date où il découvre que les varans et les pieuvres, métaphores incarnées de la mondialisation déshumanisante ont définitivement dominé les terriens (ces métaphores sont matérialisées sur l’écran via des surimpressions où ces deux créatures s’en prennent à des biches ou s’emparent d’édifices gigantesques). Ensuite, au fil de son investigation, en se positionnant sur l’année 2034, Demoschronos découvre le projet ayant permis cet effacement de l’humanité : le plan « Recyclage », dont les objectifs sont de surveiller, tracer, contrôler des nations entières.
Cette opération étatique consiste en l’établissement d’un système coercitif d’uniformisation sociétale et de pensée, par le biais de surveillances constantes des citoyens, ou d’interrogatoires permettant de mesurer et de réguler leur soumission à la doxa officielle. Des contrôles s’effectuent grâce au rassemblement de la population ( préalablement confinée par le télétravail, le streaming, les communications virtuelles, les caméras de surveillance dans leurs habitations, et autres « services » les enfermant dans leur existence sans rapports extérieurs) dans des salles de cinéma nommées internationalement le bien et le mal, seule sortie autorisée par le ministère de la Liberté (subtile ironie). Une fois arrivés dans ces salles, les quidams errent dans des couloirs, des salles, où ils sont regroupés par surveillance policière. Les intitulés des salles vers lesquelles on les dirige se nomment par exemple « salon zen » (l’image montrée, par une opposition pleine d’esprit, ne laisse en rien augurer d’une pièce emplie de quiétude).
Le clou de cette mise en scène de lavage global de cerveaux se déroule dans des décors sans âme, métalliques, où les lumières et les couleurs prennent une allure oppressantes; un groupe de cinq personnes typées dans leurs comportements, se voit convoqué pour subir des tests dans une salle de projection. La suite s’avère glaçante de réalisme, d’humour, de vérité.
Alexandre Bellas déploie de nouveau, et avec une acuité intense, son art de la mise en scène et en image : le choix des lieux, les cadrages, le montage, la bande-son variée, non illustrative, et en osmose avec les différentes étapes et séquences de ce long-métrage, les surimpressions subtiles et non factices qui vous incitent non seulement à l’émotion, mais également à la réflexion, les citations d’illustres personnalités, quelle splendide palette esthétique conséquente procurant un plaisir des yeux et de l’esprit. La voix off, déclamant un texte poétique et engagé, les acteurs, pertinents dans leurs compositions, renforcent les aspects qualitatifs de ce film. Vous reconnaîtrez d’ailleurs le concepteur d’ Il était une fois le dernier cinéma de Paris au cours d’une séquence. Un auteur qui fait souvent preuve d’humour (le directeur du plan « Recyclage » avec sa rhétorique, ses sophismes, et ses paradoxes, ou le président qui hurle « Tel est notre projet ! » peuvent nous faire penser à des ministres ou des chefs d’état contemporains), face à l’angoissante mise en place d’une société en mode dystopique.
Un film varié en images et en sons, un film riche en trouvailles cinématographiques, un film ouvrant des perspectives de réflexions, mené par un artiste engagé et des acteurs convaincus. Il était une fois le dernier cinéma de Paris, ou le réveil voltairien actuellement nécessaire.
Projection exceptionnelle organisée le Vendredi 28 Février 2025 à 19h à l’ Atelier du Verbe, 17 rue Gassendi, 75014 Paris.
Renseignements et inscriptions :
https://www.ab-sortir-decouvrir.fr/projection-ldcdp