Los Angeles. Florence Marr (Greta Gerwig), 25 ans, travaille comme assistante personnelle de la famille Greenberg, faute d’être une « vraie » chanteuse, comme elle le souhaiterait ; Roger Greenberg (Ben Stiller), la quarantaine, vient s’installer chez son frère parti en vacances et revendique le droit de ne rien faire parce que ses projets n’ont pas abouti à New York.
Greenberg se distingue d’emblée par cette particularité de faire apparaître la ville de Los Angeles sous un prisme très personnel. « On peut vraiment dire qu’il s’agit d’un personnage à part entière », signale le régisseur général du film, Stephenson Crossley. La ville est en effet dévoilée dans toute sa « naturalité », à travers des lieux tels que les sentiers de randonnée du Runyon Canyon, qui couvrent une soixantaine d’hectares dans les montagnes de Santa Monica, ou encore le quartier Juif de Fairfax. Des restaurants et avenues typiques sont aussi filmés, achevant d’ancrer les personnages dans la ville. Le film montre ainsi Los Angeles comme un endroit authentique plutôt qu’une ville industrielle. Florence et Roger, les deux héros du film, apparaissent eux aussi très « vrais », loin des apparats, assez fragiles.
Roger Greenberg nous arrive comme un personnage aigri, paumé, un peu raté. Ses habitudes et ses pulsions étranges (écrire de manière obsessionnelle des lettres de revendication à de grosses sociétés, plonger dans la piscine de son frère alors qu’il ne sait pas nager, refuser de conduire…) le rendent à la fois désagréable et extrêmement attachant par la colère passionnée qu’il transmet. On assiste à la construction progressive d’une relation entre deux personnages a priori différents, mais se ressemblant finalement par leur envie commune de se faire une place dans le monde malgré tout, à leur manière. Florence est positive et romantique, malgré ses déceptions amoureuses, sa sexualité reste encore un mystère pour elle. Elle discerne chez Roger quelque chose qui la touche… Tandis que Roger fait sa crise de la quarantaine, veut prendre ses distances par rapport à Florence mais surtout par rapport à la vie elle-même… Au fond, Roger Greenberg est un personnage blessé, sur la défensive, qui ne se remet pas en question, vit dans le passé et n’assume plus ce présent lui refusant de vivre ce dont il rêve depuis sa jeunesse. Plein d’idéaux déçus, il bout intérieurement de la rage de ne pas avoir réalisé ses rêves, d’être arrivé là où il est… La volonté de tout faire, de se réaliser par la concrétisation de ses envies les plus folles l’a étouffé, bloqué ; il vit donc à présent dans ses contradictions qu’il n’assume pas, se traduisant par un mal-être probant en société, une grande agressivité lorsqu’il se sent humilié ou embarrassé. Lui qui était quelqu’un d’extrêmement créatif, un artiste, l’angoisse l’a fait devenir progressivement cet être dépressif refusant d’aller de l’avant, quelque part resté adolescent…
Le nouveau film de Noah Baumbach (Les Berkman se séparent), en collaboration avec Jennifer Jason Leigh pour l’écriture du scénario (ils avaient déjà travaillé ensemble sur Margot va au mariage), est une suite réussie de dialogues et de scènes intimes burlesques ou touchantes, où le rapport avec autrui tient une place prépondérante et où l’on apprend que c’est grâce à son contact que l’on finit par apprivoiser la vie. Florence et Roger finissent par se rapprocher, s’accepter. Roger et son meilleur ami Ivan Schrank (Rhys Ifans) se retrouvent malgré les erreurs passées et les reproches… Ce film donne à voir un scénario original intéressant et touchant, ainsi qu’un beau jeu d’acteurs.