L’accrochage choisi par Macha Makaïeff démontre la dimension « spongieuse » des films de Tati, qui captait autant qu’il détournait l’environnement artistique, architectural et sociétal de l’époque durant laquelle il les a réalisés. Pas étonnant donc de voir une Compression de César côtoyer la séquence de l’accident dans Trafic. Plus loin, le snack de PlayTime renvoie au célèbre tableau Nighthawks d’Edward Hopper et le bâtiment de la Villa Noailles de Hyères à la maison des Arpel. Les films de Tati pointent la place de plus en plus importante que prend la ville au détriment de la campagne et les conséquences sur le paysage. Les dessins de Sempé ou de Saul Steinberg soulignent bien la standardisation des bâtiments et des modes de vie (et l’influence de l’American way of life, d’où l’omniprésence de l’anglais dans les films de Tati comme dans l’exposition). Ils résonnent ici parfaitement avec les grandes affiches de PlayTime montrant le même immeuble froid et rigide projeté dans différents pays.
Macha Makaïeff joue finement des analogies formelles avec l’art moderne mais dresse également un pont avec les œuvres contemporaines telles Crash de David Cronenberg ou une installation hommage de Pierrick Sorin déguisé en Hulot, intitulée Petit travelling printanier (tatatititi). Le rayonnement de l’œuvre de Tati est sans frontière géographique ou temporelle, on le constate d’autant plus en écoutant les témoignages de Michel Gondry, Wes Anderson ou David Lynch. Par ailleurs, de nombreux carnets de notes, des costumes, des croquis préparatoires de Jacques Lagrange ou de Pierre Etaix, ou l’arbre généalogique ainsi que de nombreuses photographies de la famille Tatischeff, documentent précieusement l’univers cinématographique de Tati.

Plus loin, dans la dernière pièce, le visiteur passe de la couleur des derniers films au noir et blanc des débuts. On retrouve alors les cabines de plage des Vacances de M. Hulot ou le vélo de François dans Jour de fête dressé sur un carrousel en action. Là, sont projetées des images inédites d’une scène coupée au montage des Vacances de M. Hulot dans laquelle Tati jette sa raquette dans les filets et les premières images de L’homme au lapin blanc, adaptation d’un scénario de Jacques Tati – L’illusionniste – en film d’animation par Sylvain Chomet, qui sortira bientôt dans les salles.
Enfin, l’exposition revient sur les débuts de Tati au music-hall et interroge la place de son œuvre dans l’histoire du burlesque, parmi les Mack Senett, W.C Fields et surtout Buster Keaton, qui ont incontestablement nourri son art. Et même si ses successeurs ne sont pas nombreux, des entretiens et lettres de cinéastes tels que Truffaut ou Pasolini redisent toute l’influence que Jacques Tati exerça sur leur travail.
Macha Makaïeff et Stéphane Goudet nous livrent ici un parcours ludique original, une immersion récréative parfaitement réussie dans le monde de Tati. « Mon film commence quand vous quittez la salle » disait Tati. En quittant l’exposition, nous prend l’envie subite de revoir tous les films.
Exposition à la Cinémathèque française, du 8 avril au 2 août 2009.

Photo : Stéphane Dabrowski