Election 2 (Hak se wui yi wo wai kwai)

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Lok a été élu, son pouvoir est absolu. Jimmy, un dissident de la Triade, veut devenir un homme d’affaires honnête. Les chinois lui font une offre : s’il prend le contrôle de la Triade, le commerce avec la Chine lui sera ouvert et ce en toute légalité. L’une des caractéristiques du cinéma de Johnny To, […]

Lok a été élu, son pouvoir est absolu. Jimmy, un dissident de la Triade, veut devenir un homme d’affaires honnête. Les chinois lui font une offre : s’il prend le contrôle de la Triade, le commerce avec la Chine lui sera ouvert et ce en toute légalité.

L’une des caractéristiques du cinéma de Johnny To, amoureux des moyens du cinéma, est la mise en espace du temps. La caméra fluide et mobile dans PTU (2005), le découpage parfois architectural de l’espace dans The Mission (2001), deux exemples typiques qui transforment des séquences dites d’action en scènes d’apesanteur où la tension laisse place à une force tranquille empreignant l’espace cinétique.

La force tranquille, telle est la particularité des deux principaux protagonistes d’Election 2, et la qualité première pour accéder au statut tant convoité de délégué d’un clan dans le monde des Triades. De la même manière qu’un Tsui Hark avec sa trilogie d’Il était une fois en Chine, Johnny To, de façon toutefois plus modeste, aborde sous un diptyque, un pan méconnu de sa culture, le monde des Triades. Le premier film (Election 1) s’axait sur la façon d’élire un délégué, poste clé pour régner en maître sur son clan. Le deuxième se tourne sur les possibilités de conserver ce pouvoir. Résumé ainsi, on pense immédiatement à une autre célèbre trilogie, elle aussi évoluant dans les eaux troubles du grand banditisme, celle du Parrain de Francis Ford Coppola, où le pouvoir est aussi dur à obtenir qu’à conserver.

Sans grandiloquence ni effets de style, Johnny To se distingue des réalisateurs précités, par son point de vue quasi naturaliste des rapports humains. Il ne souhaite pas faire de son film un énième appendice sur les gangsters, avec trognes patibulaires, flingues à tout va et voyous habillés en princes. Il opterait plutôt pour une approche documentaire et sensitive de ses personnages en quête de pouvoir. Hommes entourés et pourtant isolés, solidaires et toutefois seuls, ils attendent, patiemment. Ils feraient penser à Vladimir et Estragon d’En attendant Godot de Beckett, tant on les voit attendre, attendre, et encore attendre. Attendre que l’autre chute, attendre qu’il nous tende la main, attendre au coin d’une rue de se faire tuer comme on attend au pied d’un arbre.

Cette attente, appuyée par la force tranquille des protagonistes et la sobriété d’une caméra tout en retenue, To l’utilise pour scruter les failles des carapaces que chacun arbore tant bien que mal. La scène où le parrain Lok se retrouve entouré de ses neveux, est révélatrice du parti pris du réalisateur. De son statut privilégié, Lok les regarde tous avec tendresse, comme un père, sûr de sa position de force, tout en sachant qu’il a face à lui ses futurs adversaires. Adversaires freinant leur soif de pouvoir tout en faisant allégeance à leur Boss. Séquence délicate, tendue, dont le montage sobre et posé, on passe d’un visage à un autre sans éprouver une sensation de rupture entre eux, lui conférant une aura dramatique. Alterner l’affection et la méfiance, l’ego du gangster et l’humilité du père, telle est la tragédie que To inflige à ses héros pour les rendre plus fragiles, plus proches, plus humains.

Le réalisateur se situe ainsi à l’opposé d’un Coppola qui magnifie constamment la famille Don Corleone. L’homme, si puissant qu’il soit, se doit d’avoir un talon d’Achille, une femme, un enfant, ou un penchant à la colère. Penchant exorcisé dans l’une des rares scènes de violence, où la barbarie se substitue à la diplomatie. Et même là, la caméra sait se faire discrète, car la violence ici n’est pas volontaire, mais nécessaire, voire justifiée.
Johnny To nous donne ainsi la preuve de son talent de metteur en scène, de ceux qui savent s’effacer au profit de leurs films. D’un sujet sur les Triades, il en tire une galerie de portraits en mi-teintes, démontrant qu’un film de gangsters, c’est avant tout une histoire d’hommes sur le fil du rasoir.

Titre original : Hak se wui yi wo wai kwai

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Durée : 95 mn


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