Coffret DVD « Clint Eastwood Collection Guerre »

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Six films de guerre dont les bouleversants Lettres d’Iwo Jima et American Sniper. Une superbe occasion d’apprécier l’ambivalence d’un acteur-réalisateur hors norme.

Guerre d’états d’âme

Rien de tel que de suivre la chronologie pour mesurer l’évolution du maître. Les deux premiers opus du coffret sont signés Brian G. Hutton. Seuls faits d’arme d’un réalisateur spécialisé dans l’action dont la filmographie ne compte qu’une dizaine de films. Quand les aigles attaquent (1968) et De l’or pour les braves (1970) s’imposent encore aujourd’hui comme des divertissements de qualité. Le premier nommé s’inscrit dans la lignée du classique Les canons de Navaronne. Une mission impossible que seul un commando trié sur le volet peut entreprendre. Suspense et trahisons, combats et explosions : un programme bien goupillé. De l’or pour les braves, quant à lui, abat la carte de l’humour. Une bonne dose de dérision et de folie qui rappelle, toutes proportions gardées l’emblématique M.A.S.H. de Robert Altman sortie la même année. Parmi les braves, on retrouve d’ailleurs le savoureux Donald Sutherland, en soldat tout frais sortie d’un hôpital psychiatrique. Les deux films d’Hutton datent de la fin des années soixante, Clint qui vient de triompher dans la trilogie du dollar continue sur le même registre. L’homme trimballe sa grande carcasse au milieu des combats en toute désinvolture. Peu loquace, distant et cynique. Héros ou antihéros, point de scrupules. Seul importe l’objectif.
 

Regarde les hommes tomber

En passant derrière la caméra, et en prenant de l’âge aussi, Clint Eastwood va offrir un regard beaucoup plus nuancé sur les champs de batailles. A ce titre, Le Maître de guerre (1986) peut être considéré comme un tournant. Clint s’en donne à cœur joie dans son numéro de vétéran du Vietnam qui se charge de mettre au pas à coup de bourre-pif une escouade de jeunes frimeurs. Une énième ode aux valeurs guerrières ? Fausse piste. L’instructeur n’est pas là pour former des va-t-en guerre mais pour empêcher ses hommes de trébucher à la première occasion. Le danger provient aussi bien de l’ennemi que de l’inconscience des soldats ou, bien pire, de l’incompétence des hauts-gradés.

« Quand on a vu ses meilleurs amis mourir, on ne peut pas se considérer comme un héros pour avoir réussi à planter un drapeau en terre ennemie », confesse un rescapé, dans Mémoires de nos pères (2006). Des deux volets qu’il consacre à la symbolique mais au combien sanglante bataille d’Iwo Jima, le réalisateur se révèle beaucoup plus éloquent quand il adopte le point de vue des japonais. Lettres D’Iwo Jima n’est pas seulement un hommage sans pathos aux victimes, c’est une œuvre crépusculaire dont le classicisme emprunte sa force au grand John Ford, père spirituel d’Eastwood. Dernier en date dans le coffret, American Sniper risque d’être également l’ultime grand film du maître. En Irak, un tireur d’élite abat 160 soldats ennemis, de retour au pays la légende tourne au cauchemar. Un grand film d’action doublé d’une réflexion ambigüe sur le patriotisme américain. En se plongeant dans les affres de son héros Eastwood prend de la distance avec l’histoire.


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