Berlinale 2018 : Rencontre avec le réalisateur Sebastian Schjaer et l’actrice Sofia Brito

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Entretien en direct de la Berlinale 2018 (15 février – 25 février), par l’envoyée spéciale d »Il était une fois le cinéma », qui a rencontré le réalisateur Sebastián Schjaer et l´actrice Sofía Brito. Le premier long métrage « La Omision » nous amène au coeur du débat actuel en Argentine sur l´égalité des sexes.

Comment est née l’idée de filmer cette histoire?

Sebastián Schjaer : Tout a commencé avec une photo, où on voyait une fille avec une capuche qui croisait une autoroute. Les bords de cette autoroute étaient complètement enneigés. Cette photo était alors le point de départ et, à partir de là, d’autres éléments sont apparus. Le plus important est le personnage de Paula. Elle est loin de chez elle, à Ushuaia, un endroit désert. Ushuaia se trouve à l’extrême Sud du continent latino-américain. C’est comme si plusieurs mondes différents coexistaient là-bas. Un autre élément fondamental pour construire l’histoire était ma volonté de raconter une famille décomposée. Paula vit seule, elle fait une parenthèse. À partir de ces éléments, j’ai avancé d’une façon intuitive pour m’approcher de l’univers féminin du personnage.

Quel est son rôle de mère, son rôle professionnel? Quel rôle joue l’argent qui semble déterminer toutes ses relations. Mais tous ces rôles commencent à s’ébranler, quand Paula se connecte avec son propre désir. Pourquoi ce titre du film: La Omisión?

Sebastián Schjaer : Je voulais m’approcher de l’histoire à partir de l’inconnu et de la curiosité que cela génère. Je ne voulais pas tout savoir sur elle. Comme réalisateur, je pouvais filmer ce qui est déjà devant la caméra, ou alors regarder à travers la caméra et découvrir ce qui se passe. C’est comme si je voulais enlever des couches du personnage pour découvrir ce qui se trouve à l’intérieur. Le titre “La omisión” fait référence à toutes ces choses non dites tout au long du film, mais qui nous permettent d’arriver au coeur plus profond de Paula.
 


Sofía, de quelle façon vous vous êtes approchée de ce personnage qu’on découvre petit à petit?

Sofía Brito : Avec Sebastián, nous avons parcouru un long chemin depuis 2015. J’aime travailler sans beaucoup analyser. J’ai toujours cette image en tête, que tout est déjà là, comme l’intérieur d’une pierre, il faut juste la tailler petit à petit. Sebastián a eu des idées très claires pendant tout le processus, ce qui m’a beaucoup aidé dans mon travail d’actrice. Paula est très complexe, et pour moi, la chose la plus importante était de ne pas la juger. Et encore aujourd’hui j’ai l’impression que je vois Paula autrement, elle se reformule devant mes jeux. Je revois le film et je la ressens différemment. C’est un travail beaucoup plus intuitif, par exemple celui avec sa fille Malena. C’est à partir du jeu que nous avons construite cette relation mère-fille. Elle aime sa fille, ce qui fait que la décision finale soit encore plus dure. Même moi, je ne sais pas vraiment ce qui se passe, mais à la fin je découvre un monde inouï.

Le film révèle un monde féminin très complexe où les hommes sont presque invisibles. Est-ce un film féministe?

Sebastián Schjaer : Écrire un film est très personnel, et j’étais porté par une immense curiosité, de savoir vraiment comment est Paula. Pendant les répétitions et le tournage meme, je sentais cette curiosité pour le travail de Sofía. Nous avons travaillé ensemble pour approfondir ces émotions, toujours pour ma part en tant qu’homme, bien sûr. Presque toutes les personnes qui ont travaillé sur ce film sont des femmes. La productrice aussi d’ailleurs. J’aime beaucoup penser que Paula est une mère et une femme amoureuse à la fois. Mais elle essaie d’éloigner son propre désir, alors elle abandonne ce rôle de femme dans un schéma strictement fonctionnel, celui de la recherche d’argent. Le film est alors une exploration d’elle au delà des etiquette d’employée ou mère.

Sofía Brito : Pour moi, Sebastián a un côté féminin très fort. Nous avons tous nos côtés féminins et masculins, et parlant de lui, son intuition est très développée. Intuition comme une énergie féminine. Cela nous a beaucoup aidé dans notre travail. En ce moment il y a un mouvement sociale et politique très important en Argentine. Je sais pas si le qualifier de féministe, je dirais plutôt, que ce mouvement essaie d’égaliser les énergies féminines et masculines. Tout cela à avoir avec le droit à la poursuite de son propre désir. Très souvent, nous en tant que femmes n’avons pas ce droit. Nous n’avons pas été élevées dans l’esprit de liberté. Paula ne lutte pas activement pour cette liberté, mais elle vie simplement. Il y a comme une petite graine en elle qui commence à fleurir.


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