Beaufort

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Film de soldats édifiant, Beaufort fustige l´absurdité du conflit Israël-Liban, en racontant les derniers jours d´une forteresse vouée à disparaître. Esthétisant, un peu lent, mais indéniablement réussi.

Voir Beaufort, c’est d’abord assister à un petit cours d’Histoire de la guerre entre Israël et le Liban. Un conflit de territoire absurde et meurtrier, qui débuta en 1982, s’arrêta en 2000 pour mieux recommencer en 2006. Beaufort pointe du doigt la bêtise aveugle qui conduit la jeunesse d’un pays à mourir pour rien, sinon la défense de quelques avant-postes perdus au milieu des montagnes.

Si vous ne le saviez pas, c’est en effet près de la plaine de la Bekaa que se dresse la séculaire place forte de Beaufort. Un château en ruines datant selon les historiens de l’époque romaine. Un symbole pour les deux pays, également, qui ont successivement pris position sur ce bout de caillou. Israël a, pendant dix-huit ans, bâti un avant-poste près de ces ruines pour « surveiller » les avancées du Hezbollah. Jusqu’à ce qu’un mouvement populaire ne pousse le gouvernement à faire sauter l’installation, en 2000.

Le film de Joseph Cedar, qui a, comme tous les garçons de son pays, servi dans l’armée pendant sa jeunesse, s’intéresse à la dernière poignée de soldats ayant occupé le fort, celle qui fut chargée de détruire ce qu’elle avait pourtant appris à défendre. Faux film de guerre, vrai tract pacifiste, Beaufort joue sur l’attente. L’attente d’un ennemi invisible, qui n’attaque la forteresse que par le biais de pièges, de bombardements, ou de missiles venus de nulle part. Déshumanisée, violente, la guerre fauche ici sans prévenir. Sans espoir de revanche, aussi, puisqu’il n’y a aucun ennemi en vue. Plusieurs décennies après A l’Ouest, rien de nouveau, le cinéma rejoue encore une fois ce théâtre de la cruauté qu’est la guerre. Joseph Cedar renouvelle cette approche du film de soldats de belle manière.

L’équipe du film a ainsi recréé pièce par pièce le fort disparu, une base tentaculaire faite de couloirs grisâtres, de tranchées improvisées et de préfabriqués, évoquant par son côté froid et labyrinthique les décors de Solaris. Ziv, le démineur dévoué à son métier qui débarque dès les premières minutes, s’y reprendra même à plusieurs fois avant de trouver la guérite où il doit rejoindre son supérieur. Durant cette première partie, le film joue peu sur l’identification du spectateur. Mais peu à peu, on distingue les personnalités sous le casque, les failles, les doutes sous la carapace de chaque soldat. Le leader, Liraz, se découvrira des qualités de meneur d’hommes, mais aussi une lâcheté coupable lors d’un énième bombardement. Comme ses troupes, il semblera revivre, littéralement, dès lors que Beaufort aura disparu, à la faveur d’une gigantesque explosion nocturne.

Le tour de force du film, qui peut rebuter par sa lenteur parfois excessive, reste de rendre familières ces figures anonymes, qui s’épanchent rarement sur leur passé et qui, pour certaines, mourront de manière brutale sans voir la Faucheuse venir. A ce titre, le moment le plus intense du film demeure la confrontation entre Liraz et ses supérieurs, venus constater les dégâts d’un missile anti-blindage, et qui préfèreront « rajouter du béton » à Beaufort, plutôt que de partir se battre sur le terrain. Brillante métaphore d’un pays coincé entre ses vélléités expansionnistes et la peur viscérale de l’invasion des pays frontaliers.

Titre original : Beaufort

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Durée : 120 mn


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