Années 30, colonie de la Martinique. Le militant communiste André Aliker découvre le pouvoir de la presse. Il a fait la guerre de 14-18 dans les tranchées de Verdun. Héros, il le deviendra aussi grâce à son engagement politique deux ans après la fin de la Première guerre mondiale. Ses amis du groupe communiste Jean Jaurès lui demandent de diriger leur organe d’information « Justice » pour propager leur message. Objectif : convaincre les ouvriers exploités dans les plantations et les usines des Blancs – les « Békés » – aux manettes de l’économie locale, de rejoindre leur mouvement.
Guy Deslauriers, pour son quatrième long métrage, s’est attelé à révéler une figure majeure de l’histoire de la Martinique : celle d’André Aliker. Son parcours, sa fin tragique et son courage font de lui un personnage idéal de fiction. Aliker profite amplement de la fêlure du héros : sa volonté de chasser cette peur qui l’habite depuis qu’il est revenu de la guerre. Son militantisme, son besoin d’informer à tout prix, même au mépris de sa vie, sont étroitement liés au combat intérieur qu’il se livre. La pugnacité d’André Aliker, quand il dénonce la fraude fiscale, la corruption entretenue par « Le Dragon », grand patron de l’île, dans les colonnes de « Justice », dépasse alors la simple empathie d’un riche mulâtre (les plus clairs de peau) pour ses frères nègres (les plus noirs). Une critique que ces derniers lui font souvent quand il les rencontrent en distribuant son journal. Ses choix et ses actes vont au-delà de la seule volonté de lutter contre les profondes inégalités entre Blancs et Noirs dans la société martiniquaise. Quelques mois après le mouvement protestataire qui a secoué la Guadeloupe et toute les Antilles, Aliker rappelle que ses compatriotes ont toujours eu à cœur de mettre fin à l’exploitation dont ils sont victimes depuis des siècles. D’esclaves, ils sont devenus un peuple de colonisés, puis d’ouvriers dépourvus de droits, et aujourd’hui des citoyens de seconde zone. À chaque fois, ils se sont insurgés.
Aliker est un document cinématographique d’information rendu crédible par des décors savamment reconstitués et une belle photographie. Autre point positif d’une intrigue que l’on subit malheureusement. Jamais les premiers rôles n’arrivent à communiquer l’intensité de cette vie de militant-journaliste, maintes fois menacée. On se lasse très vite de ces plans où Stomy Bugsy, dans la peau d’Aliker, se laisse porter par ses réflexions ou les sacrifices qu’impliquent sa mission d’informer. Pendant deux heures, l’ennui est une compagne que l’on tente vainement de repousser. Pour apprécier le dernier film de Guy Deslauriers, il faudra arbitrer entre divertissement et œuvre utile, et surtout privilégier la seconde option.