Rencontre avec Akinhola Wazi

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Akinhola Wazi est un attaché de presse de cinéma français d´origine béninoise, né en 1958 à Abidjan, en Côte d´Ivoire. Il assure, entre autres, la promotion de nombreux films africains auprès des médias français. Une tâche qui n´est pas toujours des plus aisées.

Que pensez-vous du cinéma africain en général ?

(Akinhola Wazi) La production cinématographique a baissé parce que les moyens mis à sa disposition ont été réduits. Le Septième Art africain a été soutenu dans les années 80-90 par des institutions comme le Centre national cinématographique (CNC), en France, la chaîne publique britannique, la BBC, et différents fonds européens. Cela a permis à des réalisateurs africains, et à d’autres qui ne l’étaient pas vraiment, de faire des films. Aujourd’hui, il est de plus en plus en difficile de bénéficier de ces fonds. Ils ont soit disparu, soit sont gérés au niveau européen. En France, quand ce n’est pas le cas, ils sont administrés par le ministère de la Coopération (Affaires étrangères). La Francophonie dispose également d’un budget pour le cinéma africain. Mais les sommes concernées ne sont pas très importantes et quand on fait des films avec des petits budgets, on ne peut pas toujours s’offrir des comédiens professionnels. Le budget moyen des films africains se situe entre 3 et 4 millions d’euros, ce qui est assez dérisoire.

Les Etats africains n’investissent pas dans leur cinéma ?

(AW) Peu de pays africains financent leur cinéma, exception faite de l’Afrique du Sud et des efforts des Etats d’Afrique du Nord. En Afrique de l’Ouest, des pays comme le Burkina Faso, qui profite du Festival panafricain du film et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco), le Sénégal ou le Nigeria se distinguent. Si dans ce dernier pays, la production de films est assez prolifique, elle n’a cependant pas encore atteint le niveau de qualité requis pour être considéré comme du vrai cinéma. Nollywood, comme on a baptisé l’industrie cinématographique nigériane, est surtout une industrie de la vidéo. Elle dispose pourtant de bons réalisateurs, de bonnes histoires mais pas de moyens. Le cinéma africain a toujours eu un problème d’investissement. Les investisseurs ne croient pas à son potentiel. Un film est, certes, une œuvre artistique mais c’est aussi une œuvre commerciale. J’avais un instant espéré que la disparition des fonds, que je mentionnais tantôt, permettrait au cinéma africain de rentrer dans une phase économique. Si un opérateur privé investit dans la production d’un long métrage, on peut être certain qu’il mettra tout en œuvre pour que son investissement soit rentable. L’industrie cinématographique est une industrie onéreuse qui doit devenir une priorité, même pour des pays sous-développés. Cependant, on peut faire de bons films avec peu de moyens, grâce au talent et à l’imagination. Spielberg ne réalise pas seulement des films, il invente en plus des univers : Jurassic Park.

Le cinéma africain souffre-t-il aussi d’un manque de professionnalisme ?

(AW) La première industrie cinématographique du monde, Hollywood, doit sa suprématie à ses spécialistes. Scenarii, réalisation, technique, interprétation, elle dispose de professionnels dans chacun de ces domaines. Malheureusement, pour s’offrir des professionnels, il faut, encore une fois, en avoir les moyens. Le cinéma africain doit souvent se contenter de comédiens amateurs qui font du mieux qu’ils peuvent. La relève des réalisateurs n’est également pas assurée. Il y a peu de jeunes cinéastes pour succéder à Ousmane Sembène ou à Djibril Mambéty Diop.

En Afrique, la distribution est-elle autant en difficulté que la production ?

(AW) Il va pleuvoir sur Conakry, le film de Cheick Fantamady Camara dont j’ai été l’attaché de presse, ne peut pas être vu en Guinée parce qu’il n’y a pas de salles. Mais le cinéaste guinéen tenait absolument à ce qu’il soit projeté dans son pays et il a dû se contenter des structures pas toujours adaptées du Centre culturel français de Conakry.

 

Vous êtes attaché de presse de cinéma et vous assurez, entre autres, la promotion de films africains dans l’Hexagone. Quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?

(AW) Ce n’est pas facile de promouvoir un film africain en France. En outre, les Africains ne vont même pas voir leurs films. J’ai assuré récemment la promotion du film de Newton Aduaka, sur les enfants soldats, Ezra (Etalon d’or de Yennenga 2007, la plus importante distinction récompense du Fespaco, ndlr). C’est un film qui a reçu de bonnes critiques, aussi bien dans la presse généraliste que dans les médias dits « communautaires ». Mais ce n’est pas pour autant qu’il a été vu. J’ai fait des suggestions dans plusieurs débats pour lutter contre ce désintérêt. Personnellement, j’ai introduit au fil des ans, dans mon fichier, des coordonnées d’associations africaines que je contacte systématiquement quand je promeus un film. Pour ce qui est du public français, ce cinéma africain ne l’intéresse plus depuis qu’il est sorti des sentiers battus de la campagne et des villages. Des réalisateurs, tels Idrissa Ouedraogo, ont profité de l’époque où ces longs métrages attiraient parce que la représentation de l’Afrique était conforme à l’image coloniale que l’on s’en faisait en France.

Vous êtes l’un des rares attachés de presse d’origine africaine sur la place de Paris. Comment êtes-vous arrivé au cinéma?

(AW) J’ai été formé à l’école des attachés de presse de Paris. J’aurais dû en principe m’occuper d’entreprises, mais la vie en a décidé autrement. Le premier emploi qui m’a été proposé, au début des années 90, se trouvait dans le secteur du cinéma. J’ai travaillé pendant 7 ans pour la société de distribution Image d’ailleurs. Puis en 1997, j’ai décidé de voler de mes propres ailes en fondant une structure dénommée Skill.com. Je suis attaché de presse indépendant depuis 1998.

Quel est votre film africain préféré?

(AW) Difficile de se prononcer car je ne les ai pas tous vus et je risque de choisir un film récent. Le film qui me vient donc à l’esprit, c’est Ezra. Le cinéaste nigérian Newton Aduaka a réussi à faire, avec très peu de ressources, un film intelligent sur la dramatique situation des enfants soldats en Afrique.

 

 


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