Devenir actrice, se mettre en scène, en lumière, pour se sentir aimée, pour vibrer, mais aussi pour se rassurer car finalement, pour rechercher si désespérément l’amour, il faut sans doute ne pas être si sure de soi… et pourtant, il semble falloir une certaine assurance pour réussir à se débarrasser de ses angoisses, de ses gênes… devant la caméra. Situation paradoxale, complexe… qui se « règle », une fois encore – en partie – par l’amour, celui du réalisateur. Bertrand Blier le dit bien dans Le bal des actrices, un réalisateur doit nécessairement être amoureux – au moins sur le plateau – de sa comédienne. Besoin de se sentir aimée pour se dévoiler, accepter l’impudeur d’une caméra, pour se donner, tout simplement. Ce besoin d’amour, de reconnaissance, ce sont les actrices du Bal des actrices qui semblent le mieux le retranscrire.
Actrice en quête d’amour, de preuves de celui-ci ; simple désir narcissique ou plus profond manque d’amour ?
Quid de l’égocentrisme des actrices, mythe ou réalité ? Inné ou fruit du succès ?
Actrice et simplicité, un mélange improbable ? Une actrice ne peut-elle pas rester simple, dans l’ombre ? L’actrice campée par Julie Depardieu dans Le bal des actrices semble pourtant bien nous prouver que si. Elle n’affiche nulle part ses prix, son seul rêve ultime étant celui d’avoir un enfant (thématique qu’aborde également – notons le – Valeria Bruni-Tedeschi ; posant le problème de la compatibilité de la vie d’actrice avec celle de « femme »).
Mais revenons quelques instants à ce besoin d’amour… Qu’arrive-t-il lorsque celui-ci est acquis ? Qu’arrive-t-il quand le public – ou tout du moins un certain public – est conquis ?
Comment garder cet amour ? La réponse entraîne la question de l’image ; comment être celle que les autres attendent ? Simple exemple parmi d’autres, Marina Foïs, devant la caméra de Maïwenn, se fait faire des injections de botox.
Être actrice pour se sentir aimée, c’est aussi prendre le risque d’être soumise à la peur constante de perdre cet amour (Romane Bohringer témoigne du passage de l’adulation au quasi-anonymat dans Le bal des actrices, où elle se retrouve dans cet espace de « transit », entre anonymat et célébrité…).
Quand l’amour se transforme en adulation, cela donne Mes stars et moi et, bien que la caricature prime au plus haut point dans cette comédie (qui tourne l’amour fou d’un fan au ridicule, jusqu’au pathétique), il y a derrière celle-ci une réalité. Celle de l’amour du public, qui peut être extrême dans certains cas. Comment, dès lors, ne pas perdre ses repères ? Comment savoir qui l’on est ?
Ajoutons à cela la confusion des sentiments que peuvent entraîner les scènes d’amour jouées sur scène ou devant la caméra. Amoureux « à la vie comme à la scène »? Les exemples sont nombreux ; Charlotte Gainsbourg, dans Ma femme est une actrice, commence à se poser des questions sur son attirance pour son partenaire Terence Stamp ; la relation entre Emma de Caunes et Frédéric Andrau, dans Le bruit des gens autour, est complexe, violente, passionnelle…
Devenir ? Une actrice n’est-elle pas forcément déjà, par nature, totalement « givrée » ? (c’est en tout cas l’opinion d’Yvan Attal, définissant comme telles les actrices parisiennes, en préambule de Ma femme est une actrice). Et Maïwenn de conforter cette opinion : « On ne fait pas ce métier si on n’est pas névrosée ».
Peut-être alors, ce métier vient-il seulement exacerber une certaine névrose, une folie.
Notons que cette névrose est bien souvent totalement assumée. C’est le cas de Maïwenn, mais également de Valeria Bruni-Tedeschi, qui se met en scène (narcissisme ou nécessaire introspection ?,) sans omettre cet aspect (quoique Mathieu Amalric – metteur en scène dans Actrices, sur ce plan, la bat à plate couture).
Les désirs se multiplient, la démesure s’installe (prenons pour exemple l’actrice incarnée par Mélanie Doutey qui, dans Le bal des actrices, reçoit un nombre incalculable de cadeaux de grands couturiers), et semble mener à l’escalade ; des demandes de plus en plus farfelues, le désir d’en avoir toujours plus.
Vie entre réel et fiction. Représentations entre caricature, accentuation et réalité. Qui est qui ? Qui est la femme, qui est l’actrice ? Démêler le vrai du faux, tenter de distinguer ce qui est de l’ordre de la fiction et ce qui est de l’ordre de la réalité. Les films se plaisent à jouer sur cette confusion (pour notre plus grand bonheur par ailleurs).
D’ailleurs qu’est-ce que c’est, « être actrice », après tout…? Actrice : une profession ou un état en soi ?
Et si, finalement, les actrices étaient tout simplement comme tout le monde… toutes différentes !