Un maître du sous-genre
Il ne faut pas se laisser rebuter par le titre hélas un peu racoleur car, même s’il est choquant, ce film est un petit bijou qui va vous faire revivre au temps des bons vieux pornos faits avec trois sous en super-huit dans les années 70 avant le sida, le numérique et les mouvements Metoo et autres woke machines… Comme l’écrit le dossier de presse du film, le réalisateur est un féru de ce cinéma cheap de ces années-là et tout son travail repose sur une belle volonté de recréer ce monde à jamais disparu et à ne pas mettre entre tous les yeux bien sûr ! « West a construit sa carrière en s’inspirant des films d’horreur low-budget des années 70 et 80. The House of the Devil (2009) en est le parfait exemple. Avec ce film, il confirme son statut de réalisateur indépendant dont les références cinématographiques pointues résonnent à l’écran. En effet, l’esthétique rétro qu’il y fait du son, de la musique, des décors et des effets visuels – dont le gore dégoulinant — donne vraiment au film une authentique patine des années 70 et 80. » Nous y sommes en plein. Hormis le thème porno bien loin du chic dont on nous rebat les oreilles maintenant, c’est une vraie plongée dans l’Amérique profonde qui évoque aussi par certains côtés l’aspect foutraque des films underground à la Andy Warhol et Paul Morrissey. C’est une véritable ode aux réalisations indépendantes de tous genres — films pour adultes, slasher movies, films d’auteur — autant que l’évocation d’une époque et de ses mœurs en plein bouleversement. X bouscule les conventions traditionnelles du genre et livre un trip follement divertissant – tant sur le diktat du jeunisme, que sur l’inexorabilité du vieillissement et de la mort.
Fausse série B et vraie expérience
On l’aura compris, on entre ici de plain- pied dans un film de fausse série B qui risque fort de devenir culte avec ses acteurs ringards, son érotisme vulgaire et de pacotille, pour plonger dans un gore vraiment bien maîtrisé avec des séquences d’une grande beauté plastique (on pense notamment à la séquence en plongée où l’on voit la baigneuse qui ne s’est pas aperçue qu’un crocodile approchait. Il ne la mordra pas mais ce n’est qu’une prolepse…) et d’autres réalisées avec des couleurs et des éclairages cracra qui apportent un charme suranné à ce film qui joue à la fois sur le kitsch et l’expérimental, en jonglant, en plus, avec une mise en abyme de type méta-film.
Un film qui aime le cinéma
« Quand je regarde les films des années 1970, c’est évident qu’ils étaient réalisés par des personnes qui aimaient le cinéma en tant qu’art — et je regrette cette époque, déclare West dans le dossier de presse du film. L’une de mes motivations pour réaliser X a été l’envie de prendre quelque chose de très basique et de voir si j’arrivais à en tirer quelque chose de plus sophistiqué. C’était un challenge très inspirant de m’approprier le cliché du sexe et de la violence des films d’exploitation – et de le ré imaginer d’une manière plus réfléchie. » Le film joue aussi sur les clichés de la pornographie en nous réservant une surprise de taille à la fin que nous ne dévoilerons pas mais qui invite à comprendre le rôle du téléviseur allumé dans la maison du drame. Et qui explique aussi qui est cette jeune actrice mineure qui se la joue star. En effet, l’une des stars du film en train de se tourner, The Farmer’s Daughter, est Maxine (Mia Goth), une jeune Texane cocaïnomane, qui aspire à devenir la future Lynda Carter, mais qui n’arrivera même pas à devenir une Linda Lovelace dont Gorge Profonde avait assis le succès. Elle s’imagine un destin de superstar après le porno, et son petit ami Wayne ne reculera devant rien pour l’aider à y parvenir. Bref, une réussite que ce petit film qui risque d’aller très loin dans la re-construction du mythe des folles années 80.