Afin de s´opposer au conservateur Républicain Croker Jarmon (Don Porter) en vue des élections au poste de sénateur de la Californie, Marvin Lucas (Peter Boyle), à la recherche d´un candidat potentiel pour le parti Démocrate, découvre un jeune avocat Bill McKay (Robert Redford), fils de l´ancien Gouverneur John McKay ( Melvyn Douglas)…
Plongée immersive et parmi les plus crédibles vues au cinéma pour une campagne électorale, Votez McKay entame un vrai cycle politique dans la carrière de Robert Redford (ici producteur et instigateur du projet), que suivront Les Hommes du président de Alan J. Pakula et Les Trois Jours du Condor de Sidney Pollack. Cycle qui trouvera son prolongement durant sa carrière de réalisateur démarrée entre temps, avec le brillant Quiz Show et le poussif Lions et Agneaux, ces deux films abordant des thèmes déjà contenus dans Votez McKay (manipulations médiatiques et politiques étroitement liées), base cinématographique de l’engagement citoyen de Redford.
L’envers du décor
Les choix du producteur Redford ne doivent rien au hasard avec un Michael Ritchie (efficace réalisateur touche à tout, ayant connu des hauts et des bas, notamment un Golden Child de sinistre mémoire avec Eddie Murphy), qui venait de filmer pour la télévision la campagne du candidat démocrate John V. Tunney, tandis que le scénariste Jeremy Larner était l’auteur d’un roman autobiographique sur la campagne du sénateur McCarthy, dont il écrivit les discours durant les présidentielles de 1968. Pourvu d’une telle équipe, tout est réuni pour une description minutieuse des arcanes du monde politique, but qu’atteint le film avec brio.
L’importance des éminences grises, ainsi que cette caractéristique typique du système américain de faire surgir un personnage politique de nulle part ou presque (et qui se vérifie encore aujourd’hui), puis de lui faire atteindre les sommets, est montré de manière très intéressante ici avec le personnage de McKay, candidat fabriqué de toute pièce par des démocrates en difficulté. Bien de sa personne, tenant un discours franc et sincère, et surtout descendant d’une lignée politique en tant que fils d’un ancien gouverneur, McKay s’avère l’adversaire idéal face au vieux routier républicain Crocker Jarnon.
Fort de son expérience télévisuelle, Ritchie décrit à merveille le sentiment d’urgence d’une cellule de campagne et du rythme harassant de cette dernière, notamment les séquences montrant McKay sur le terrain, où domine un esprit documentaire pris sur le vif. En témoigne entre autres le passage de cortège de McKay à San Francisco, où la population ayant été prévenue la veille par la production du passage de Robert Redford, la sensation de tumulte et d’excitation s’avère parfaitement réaliste, de même que la confusion lors de la victoire finale, rappelant foules d’images inscrites dans l’inconscient collectif.
La politique est un métier
Chien fou ruant dans les brancards et mettant systématiquement les pieds dans le plat, la transformation progressive de McKay en bête politique au discours formaté et lisse est formidablement bien rendue. Traversé de belles trouvailles de montage pour signifier l’uniformisation progressive de son discours au fil de diverses interventions télévisées (trouvailles qu’on devrait en grande partie à Marcia Lucas, venue donner un coup de main), Votez McKay est un cruel et cynique récit d’apprentissage voyant un jeune homme sincère et idéaliste peu à peu brisé par le système, pour finalement ressembler aux vieux briscards qu’il voulait bousculer.
Pas vraiment tendre avec le citoyen américain, le film montre le travail de longue haleine que représente l’investissement du paysage politique et médiatique par un McKay se faisant les dents lors de pathétiques séquences devant un public inattentif, dans un centre commercial ou une réunion de fermiers hermétiques à son discours vindicatif.
Prestation parfaite et toute en ambiguïté de Robert Redford, candide et calculateur à la fois, dont le formatage est autant dû au travail d’usure de ses conseillers qu’à la perspective du pouvoir à portée de main, et qui devient enfin le candidat lisse et calculateur que l’électeur réclame.
En résultent les manœuvres que l’on connaît bien, comme la récupération roublarde de l’actualité, lors de l’épisode de l’incendie de Malibu, ou la double confrontation télévisée houleuse avec Crocker Jarmon, où McKay encore tendre (et pas au fait de la politique spectacle : « It was a quite show ! »), étale de manière scolaire ses revendications, et se fait dans un premier temps avoir par le candidat républicain stoïque. Puis la seconde où sourire charmeur, costume sombre et discours creux suffisent à prendre le dessus sur son adversaire vieillissant. Les codes visuels du débat télévisé (qui aura son importance deux ans plus tard lors de son introduction en France), où le cadre et le montage saisissent la moindre défaillance, hésitation ou emballement forcé, sont frappants par leur efficacité impitoyable.
Un constat des plus cyniques, résumé par ces mots adressés à son fils par John McKay, le sourire carnassier, « Son…you’re a politician ». Impossible de vouloir bouleverser les choses sans se brûler les ailes… Un film visionnaire, encore plus d’actualité aujourd’hui, à l’ère de la politique spectacle, ce que notre récente campagne présidentielle et l’américaine en cours ne cessent de démontrer.