Une romance américaine

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Le rêve américain à travers une odyssée de l’acier signée King Vidor.

À mi-chemin entre des œuvres proches du peuple comme La Foule (1928) ou Scènes de la rue (1931) et la célébration de la réussite individuelle de Le Rebelle (1949), King Vidor inaugurait une veine plus épique pour l’odyssée individuelle et industrielle qu’est Une romance américaine (1944). Né au Texas, King Vidor a, comme de nombreux américains, des racines en Europe avec un grand-père émigré de Hongrie. Le film lui donne ainsi l’occasion de s’attacher au destin d’un de ses nombreux anonymes venus tenter l’aventure au pays de tous les possibles. Constamment partagé entre tonalité intimiste et pure grandiloquence, le film rattache l’existence de son héros aux grands soubresauts que vivent les États-Unis. Le ton se fait féérique et grandiose dès la scène d’ouverture où l’on assiste à l’arrivée d’un bateau d’émigrants à New York. Dans la foule se distingue déjà notre héros Steve Dangols (Brian Donlevy), la mine déterminée, à l’instar de ses voisins émerveillés quand surgissent de la brume comme dans un rêve les buildings new-yorkais. Ceci est l’Amérique et il compte bien y réussir. King Vidor enchaîne ainsi les grandes visions « americana » et chaleureuses illustrant la bienveillance et la beauté de la contrée s’offrant aux nouveaux venus (le long voyage de Dangols de New York au Minnesota) tandis que s’affirme avec tendresse et humour la maladresse de Dangols dans la découverte des us et coutumes de sa terre d’adoption.

 

Le script n’en fera pourtant pas un simple travailleur satisfait de sa condition, car à la différence de ses camarades, Dangols a la soif de s’élever et d’apprendre. L’imagerie du film évolue donc au fil de la connaissance grandissante acquise par Dangols sur son obsession, la fabrication de l’acier. On démarre sur la plus simple des échelles lorsque Dangols interroge sa future épouse institutrice (Ann Richards) sur la manière de passer de la motte de terre qu’il tient dans sa main gauche à l’outil en métal de sa main droite. Au fil de son ascension, dans des séquences quasi documentaires, les mines exiguës deviennent des fonderies plus vastes et étouffantes puis des ateliers de fabrication aux proportions titanesques, le pic étant atteint lors d’une scène finale en forme de célébration absolue de l’industrie triomphante. Vidor eut à subir quelques déconvenues lorsque la MGM décida d’amputer son film de trente minutes pour le réduire à une durée de deux heures. Cela se ressent dans le positivisme parfois exagéré (tout semble réussir à Dangols sans qu’il ait à rencontrer le moindre obstacle majeur) et la manière quelque peu elliptique dont sont traités le quotidien de la famille et les moments dramatiques, tel la mort au front du fils aîné mise en parallèle de l’acquisition de la nationalité américaine par Dangols qui la lui avait promise. La scène est néanmoins touchante mais aurait pu être plus puissante encore.

 

De même, il y a une forme d’édulcoration dans la volonté d’assombrir le caractère de Dangols, un homme qui s’est construit seul, à la dure, et qui devenu entrepreneur, ne saura comprendre les revendications légitimes de ses ouvriers – menés par son propre fils à la tête d’un syndicat. Même si on rêve à l’interprétation fabuleuse qu’aurait pu en donner Spencer Tracy prévu à l’origine (tandis qu’Ingrid Bergman devait interpréter l’épouse finalement jouée par la solide mais moins charismatique Ann Richards), Brian Donlevy est excellent, mélange de naïveté, de chaleur et de détermination dans son rôle d’immigrant qui saura aller au bout de sa vision. Les moments le voyant tâtonner puis s’affirmer par son ingéniosité dans le milieu de l’automobile sont fort ludiques et Vidor annonce déjà Le Rebelle dans les scènes où Dangols, sûr de sa réussite, refusera de céder aux financiers voulant lui imposer leurs exigences. Les architectures déroutantes du film de 1949, illustrations de la personnalité de Gary Cooper, cèdent ici la place aux usines – automobiles puis aéronautiques – surchauffées et débordantes d’activités. Si Le Rebelle célèbre le respect du génie individuel, Une romance américaine est davantage une ode à l’abnégation, à la volonté et à la collectivité. Une ode au rêve américain. Dans les deux cas, le caractère inflexible des héros fera leur réussite en dépit de tout. Un beau film qui sera néanmoins un échec commercial cuisant pour Vidor…

Titre original : An American Romance

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Durée : 151 mn


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