Un flic solitaire et taciturne avance d’un pas ferme dans les rues de Paris. Il fait nuit, les lumières des phares et des néons se reflètent sur le trottoir humide. Simon Weiss (Roschdy Zem, sourcils froncés et regard perçant), commandant à la Brigade Mondaine, débute sa tournée des établissements nocturnes : boîtes de nuit, bistrots lugubres, bars à putes… Déambulant d’un quartier de Paris à l’autre, il rétablit l’ordre, boit un verre, fume cigarette sur cigarette, mène ses petites enquêtes, se laisse glisser un billet dans la poche au passage. Une ronde frénétique qui ne se termine qu’au lever du soleil.
Suivre pendant une nuit entière un policier en charge des « cabarets » à la Brigade Mondaine… Idée audacieuse ou suicidaire ? Toutes les séries policières qui encombrent nos écrans de télévision, condensés indigestes de course-poursuites, d’interrogatoires, de crimes louches et d’enquêtes menées tambour battant, prouvent combien le sujet est délicat à aborder. On pensait s’endormir au bout de quelques minutes, mais Une Nuit parvient à nous tenir éveillés : un petit exploit qui mérite tout de même d’être salué.
Pour écrire son scénario, Simon Mickaël s’est appuyé sur les récits et les témoignages de Philippe Isard, ancien commandant à la brigade Mondaine : en résulte une foule de petits détails et d’anecdotes qui empêchent le film de basculer dans la chronique policière futile. Un caniche meurt d’une overdose pour avoir avalé un peu trop de cocaïne, un vieux travesti maudit son jeune amant tout en attendant son retour, un client constate avec stupéfaction qu’on lui a fait boire plusieurs bouteilles d’un champagne hors-de-prix et qu’il doit désormais régler l’addition… La jeune fliquette inexpérimentée qu’interprète Sara Forestier découvre, en même temps que le spectateur, cette vie nocturne énigmatique et pittoresque.
Au crépuscule, une myriade de spectres s’éveille et arpente les ruelles de la capitale : prostituées, dealers, alcooliques et travestis revêtent leurs costumes de scène et entament leur curieux défilé. C’est en accordant une place centrale à ces personnages secondaires que Philippe Lefebvre réussit véritablement son pari : plonger au cœur de la nuit, arpenter les lieux où pullulent des créatures insolites, inquiétantes ou pitoyables, qui s’évanouissent avec la lumière du jour.