Tu seras mon fils

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Troisième essai réussi pour Gilles Legrand, qui signe un film qui oscille entre le drame familial et le thriller psychologique.

Les premiers films de Legrand (Malabar Princess, La jeune fille et les loups) étaient trop sucrés, trop romanesques. Alors lorsqu’on s’installe pour voir son dernier essai, on s’attend à un film qui accumule les bons sentiments. Raté, Tu seras mon fils est dur et sec comme un bon coup de fouet. C’est un bon film bien pensé et bien réalisé.

Tu seras mon fils
est, avant toute chose, une déclaration d’amour au vin et à son univers. Pour son film, le réalisateur nous transporte au cœur d’un grand château de la région de Saint-Émilion avec des vignes à perte de vue (on s’étonne d’ailleurs que si peu de réalisateurs aient eu l’idée d’aller poser leur caméra dans les domaines viticoles français). On découvre des caves splendides, des vins extraordinaires et on boit, sur grand écran, du Romanée-Conti, du Côte Rôtie, du Saint-Émilion… de la cave au grenier ! Gilles Legrand, en grand passionné, fait du vin un personnage à part entière sensuel, envoûtant, féminin… et nous transmet l’amour du breuvage haut de gamme grâce à une réalisation soignée et à des dialogues délicieux.

Pour mettre en avant sa passion pour le vin, Legrand a également fait un travail impressionnant sur la lumière et les images : l’étalonnage a été retravaillé pour durcir les contrastes et désaturer les couleurs. Le résultat est bluffant et, visuellement, le film est très réussi, notamment les couleurs et la lumière des scènes dans les caves qui sont aussi belles que terrifiantes. C’est dans ce décor grandiose qu’est mis en scène un drame familial à la Chabrol, comme si les images magnifiques venaient faire contraste avec l’atmosphère lourde du duel qui s’installe peu à peu entre les deux fils et les deux pères. Les dialogues très travaillés et la mise en scène précise viennent compléter ce travail sur l’image et servent des scènes parfois monstrueuses de cruauté. La caméra prend le temps de filmer les personnages, de se poser sur les visages, de suivre les regards et la bande-son parfaite fait monter le malaise. Ici, la mise en lumière du domaine viticole confère au film une ambiance des plus inquiétantes et, du drame familial, nous voilà plongé dans un thriller psychologique.

 

Reste que si ce drame intimiste est tellement séduisant, c’est aussi en grande partie grâce à l’interprétation de ses acteurs. D’abord celle de Niels Arestrup, comme si le personnage de Paul de Marseul avait été taillé pour lui. Il interprète magistralement le père autoritaire et charismatique avant de crever littéralement l’écran en ogre épicurien gonflé d’autosatisfaction. À ses côtés, on retrouve une série de comédiens et comédiennes aussi justes que lui : Lorànt Deutsch, le fils de Marseul, utilisé à contre-courant, campe un fils admiratif et craintif à la fois ; Patrick Chesnais est, à son habitude, excellent en régisseur bourru en phase finale d’un cancer. Reste les deux rôles féminins qui arrivent sans peine à se faire une place dans ce monde masculin : une Valérie Mairesse qui incarne Madeleine Amelot, la femme du régisseur, douce comme un agneau et une Anne Marivin dans la peau de la femme du fils de Marseul, qui finalement est la seule à tenir tête à l’ogre Arestrup.

Dans Tu seras mon fils, pas de stéréotypes, ni de manichéisme, le cinéma de Gilles Legrand se contente simplement de mettre cruellement en scène les fragilités humaines s’aidant d’une équipe d’acteurs au poil et d’un décor grandiose. À voir.

Titre original : Tu seras mon fils

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Durée : 102 mn


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