Sur un plan strictement formel, Taklub révèle plus frontalement sa vocation cathartique. Dès lors, s’il a la sincérité de son côté, il n’en est pas de même quant à la subtilité des moyens plastiques employés. Cette volonté d’être au plus près des événements, de scruter en gros plans consciencieux tous ces visages accablés par le chagrin et la souffrance, de recourir à une musique pathétique : autant de parti pris suffisamment présents pour nuire à un film dont le sujet, déjà chargé, nécessitait un peu plus de distance et de pudeur. Que revienne en mémoire ce passage où un homme, qui a perdu tout le reste de sa famille, assiste à la mort de son dernier fils dans une chambre d’hôpital, et toute l’impuissance du cinéaste éclate au grand jour. En ne cherchant par ses moyens d’expression qu’à surligner une situation déjà extrêmement dramatisée, Mendoza obtient le contraire de l’effet escompté. Au mieux ressent-on une gêne devant tant de maladresse ; au pire, une certaine indifférence.
À l’image de cette séquence d’incendie qui ouvre le film, Taklub se révèle incapable de créer le moindre hors-champ, et répond malgré lui à l’injonction du tout voir. Voir la famille prisonnière des flammes à l’intérieur de la tente. Voir, à l’extérieur, les voisins qui tentent d’éteindre le feu. Voir, à l’issue de l’accident, les cadavres calcinés des victimes. Enfin, voir les larmes des témoins, restés impuissants face au désastre. Tout ceci, accompagné de ces tremblements constants du cadre, si caractéristiques du cinéaste philippin, et qui ne font qu’enliser le film encore davantage. Pourtant, l’un des précédents films de Mendoza, Kinatay (2009), tirait précisément sa force d’une même caméra nerveuse : en épousant le point de vue de l’innocent face à un mal d’abord observé à la dérobée, et qui finissait par déteindre sur lui, le récit trouvait une véritable corrélation entre forme et fond. L’instabilité constante du cadre se faisait l’écho de ce balancement moral du protagoniste, sur ce fil ténu qui sépare l’observateur passif du voyeur, le simple témoin du complice – dispositif d’autant plus implacable qu’il incluait le spectateur lui-même. Dans Taklub, ce principe de mise en scène ne paraît renvoyer qu’à une très prosaïque volonté de « faire documentaire », sans prendre en charge un regard spécifique. Le film trouve ici son autre point limite : Brillante Mendoza, dépassé par l’ampleur du sujet, n’a pas su aller au-delà de la simple illustration.