Rojo

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« Rojo », comme le sang, comme la violence, le nouveau film de Benjamin Naishtat vous entraîne très loin dans une Argentine pas si éloignée de nous.

Dario Grandinetti, Meilleur acteur

Le nouveau film de Benjamin Naishtat ne laisse pas indifférent, et questionne le spectateur plusieurs jours après la projection. Il faut dire qu’il s’agit du troisième long métrage de ce réalisateur talentueux et il s’inscrit tout à fait dans la lignée de ses films précédents, Historia del miedo en 2014 et El Movimiento en 2015. Ce dernier film, présenté au festival de San Sebastian a remporté trois prix : Meilleur acteur pour Dario Grandinetti, Meilleur réalisateur et Meilleure photographie. Il faut dire que le film repose presque entièrement sur les épaules de ce grand acteur que les Français ont découvert en 2002 avec Parle avec elle de Pedro Almodovar, mais aussi un peu plus tard, en 2016, dans Julieta du même Almodovar. Très bon acteur, il s’impose dans ce film énigmatique qui, dans des teintes passées, apporte au drame argentin de la dictature un sorte d’éclairage tout en clair obscur. Dario Grandinetti interprète ici le rôle d’un notable, avocat de métier, en Argentine dans les années 1975. Lors d’un dîner, il est pris à parti par un inconnu et leur différend vire au drame, entraînant le protagoniste dans une spirale sans fin qui est bien sûr la métaphore même d’un pays qui sombre dans le fascisme à cause de la passivité de son peuple, ou de sa cupidité.

 

 

Description d’un fardeau symbolique

Les trois films de Benjamin Naishtat possèdent des liens entre eux, surtout avec l’histoire de l’Argentine, mais aussi avec le drame qui se noue et se complique lorsqu’un pays change radicalement. Il le confie d’ailleurs au dossier de presse du film : « Toute personne née dans les années 80 porte le poids de ce fardeau symbolique. De plus, dans mon cas, s’ajoute une histoire familiale de persécution et d’exil encore très présente. » Au niveau du style, le film se démarque pourtant un peu des autres car le but du réalisateur était de coller au plus près à la manière de réaliser les films dans les années 70 et, pour cela, il cite bien sûr les réalisateurs auxquels il voue une grande admiration comme Sidney Lumet, Francis Ford Coppola ou encore John Boorman qu’on reconnaîtra peut-être pour les scènes un peu irréelles qui se passent dans le désert argentin. Mais bien sûr, le film n’est pas seulement un film d’investigation ou d’analyse politique car il utilise aussi souvent les archétypes du polar en tendant des pièges, en apportant (rarement) des solutions, mais en plaçant le spectateur néanmoins dans un inconfort prenant qui participe du suspense. En effet, qui est cet homme agressif, pourquoi cet avocat ne se révolte-t-il pas, comment une dictature peut-elle apparaître, pourquoi le silence et la complicité qui unissent souvent ces gens complètement disparates ?

Entre polar et film politique

Le film vous tient en haleine, même si parfois le spectateur peut paraître un peu perdu, ne comprenant pas toutes les allusions, ni même les projets et intentions des protagonistes, notamment ceux de l’avocat, mais aussi de son épouse, remarquablement interprétée par Andrea Frigerio, tout autant que de l’inconnu (Diego Cremonesi), de la fille de l’avocat, ou encore du magicien (Rudy Chenicoff). Toutes ces personnes se rencontrent, se fuient, se piègent et, finalement, restent souvent seules ou sans solution au problème qui semble les hanter : la naissance de la dictature puisque le film se termine sur l’imminence du coup d’Etat annoncé à Claudio au moment même où débute le spectacle de fin d’année de l’école de sa fille.

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Durée : 109 mn


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