Profession du père

Article écrit par

Je règle mon pas sur le pas de mon père.

Tuer Le Père. Le Père de La Nation,  le général De Gaule, pour André Choulans (Benoît Poelvoorde) lorsqu’il se sent trahi  par l’homme d’état français qui déclare en 1961 que  Algérie deviendra un état indépendant. Mon père ce héros pour Émile Choulans (Jules Lefebvre), douze ans,  qui va prendre part, en première ligne au projet fantasmatique de celui qu’il admire et craint plus au plus haut point. Tuer ce père, au sens pas si figuré que cela, lorsque le garçon comprendra enfin la mystification dont il est victime. Histoire singulière et dure. Insupportable souffrance d’une épouse et d’un enfant en proie aux ressacs de violence d’une figure masculine schizophrénique. Sobre, sombre et glaçant, Benoît Poelvoorde fait monter en faiblesse d’une façon captivante son personnage. Jusqu’à suer grassement de ses mensonges lors de la convocation chez le directeur d’école. Récit universel et naïf. Celui de l’enfant qui a besoin de l’amour de son père, de croire à ses exploits pour trouver son modèle. Être à l’aune d’un regard d’enfant ne dépend pas que de la hauteur de la caméra, seules quelques rares prises de vues  surlignent cette intention, la justesse psychologique naissant de l’empathie jamais factice.

 

 

Derrière le cinéma apparemment humble de Jean-Pierre Améris se dégage un profond  respect pour la modestie de ses personnages, qu’il ne tente jamais de simplifier ou de magnifier. Améris prend juste le temps de les laisser se débattre dans leurs  douloureux dilemmes et d’exprimer leur vibrante vulnérabilité. Des personnalités biens dessinées, servis par une direction d’acteurs qui confine au naturalisme.  Face à l’ogre Poelvoorde, Audrey Dana marche délicatement dans les petits souliers d’une épouse soumise encore amoureuse. Jules Lefebvre fait montre d’une belle présence qui lui permet de dépasser la limite de l’enfant attendrissant et agaçant que l’âge lui dictait d’incarner. On ne peut que regretter que la modestie d’Améris ne le pousse pas plus loin dans son entreprise. Gagner encore en concision, en s’affranchissant de certaines métaphores trop didactiques, comme celle des poissons dans le bassin, à la fin du film. S’appuyer sur une photographie singulière plutôt que de tomber dans l’imagerie d’Épinal d’une époque. Il suffirait de presque rien pour qu’une œuvre façonnée avec une belle sincérité prenne alors toute son ampleur.

Réalisateur :

Acteurs : , ,

Année :

Genre :

Pays :


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Journal intime

Journal intime

Adapté librement du roman de Vasco Pratolini, « Cronaca familiare » (chronique familiale), « Journal intime » est considéré à juste titre par la critique comme le chef d’œuvre superlatif de Zurlini. Par une purge émotionnelle, le cinéaste par excellence du sentiment rentré décante une relation fraternelle et en crève l’abcès mortifère.

Été violent

Été violent

« Eté violent » est le fruit d’une maturité filmique. Affublé d’une réputation de cinéaste difficilement malléable, Zurlini traverse des périodes tempétueuses où son travail n’est pas reconnu à sa juste valeur. Cet été
violent est le produit d’un hiatus de trois ans. Le film traite d’une année-charnière qui voit la chute du fascisme tandis que les bouleversements socio-politiques qui s’ensuivent dans la péninsule transalpine condensent une imagerie qui fait sa richesse.

Le Désert des tartares

Le Désert des tartares

Antithèse du drame épique dans son refus du spectaculaire, « Le désert des Tartares » apparaît comme une œuvre à combustion lente, chant du cygne de Valerio Zurlini dans son adaptation du roman éponyme de Dino Buzzati. Mélodrame de l’étiquette militaire, le film offre un écrin visuel grandiose à la lancinante déshumanisation qui s’y joue ; donnant corps à l’abstraction surréaliste de Buzzati.