En 2010, le comédien britannique Steve Coogan tombe par hasard sur un article évoquant cette histoire. Touché par cette dernière, il prend une option sur le livre de Martin Sixsmith et commence à travailler sur une adaptation cinématographique. L’occasion pour l’acteur de s’attribuer un rôle plus dramatique qu’à l’accoutumée et de prendre ses distances avec ses personnages burlesques habituels. Il croise alors la route de Judi Dench et de son ami Stephen Frears, emballés à l’idée de mettre en scène un film à la fois émouvant mais décalé. Pour mener à bien une telle entreprise, le tout était donc de ne pas tomber dans la mièvrerie ni dans l’hagiographie. Pièges peu évidents à contourner, compte tenu du sujet. Mais surprise, rien ou presque dans le film de Frears n’est trop mielleux ou trop indigeste. Pourquoi ? D’une part parce qu’un cinéaste digne de ce nom se trouve derrière la caméra, mais aussi parce que tout repose sur l’ambiguïté.
L’ambiguïté des personnages participe ainsi au dessin d’une complémentarité des rôles de bon aloi. Si Philomena a la foi, Sixsmith a les mots, si elle doute, le journaliste contrecarre l’apitoiement. Mais au fil de l’enquête, ces positions structurantes vont s’inverser : Philomena, bien plus complexe qu’elle n’en a l’air, va sauver la mise de son compagnon de route en le tirant de situations inextricables. Mieux, les idées préconçues du journaliste et sa vision manichéenne du monde, bien trop simplistes car ne servant finalement que son alter ego, vont se voir petit à petit enrayées. Résultat, le film de Frears se révèle comme une sorte de parcours existentiel où chacun doit apprendre à déjouer les apparences. Pour ce faire, le réalisateur se défend de juger quiconque, même les catholiques. L’idée n’est pas de rechercher la polémique ou de se faire le garant d’une morale quelconque mais d’avancer pour trouver une réponse.
Reste que pour relater la vie brisée de cette femme usée par la culpabilité, l’amour et la peine, Frears est bien conscient que les armes les plus adaptées sont aussi les plus simples – ici l’émotion et la modestie. À ce titre, le britannique fait preuve d’un vrai savoir faire.