Péché véniel/Malicia 2000. Sortis le 06 décembre en combos dvd/bluray chez Sidonis/Calysta.

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Sexy nostalgie

Gloire à l’éditeur Sidonis Calysta de nous donner l’occasion de goûter une madeleine proustienne : celle de ces sexy comedies qui firent les belles soirées de la défunte 5 berlusconienne lorsque nous effectuions nos bachotages ! Nous reviennent des noms, des visages, des plastiques évidemment : ceux de Barbara Bouchet, d’Edwige Fenech, mais aussi de Laura Antonelli, au parcours fascinant (professeur de sport, mannequin, puis actrice) et tragique (nous en reparlerons).

Péché véniel (1974) nous décrit les émois du jeune Sandro dans la station balnéaire de Versilia où il passe ses vacances et passe le plus clair de son temps à feuilleter des revues érotiques et à observer les filles sur la plage en compagnie d’amis blagueurs et voyeurs. Son frère ainé est contraint de s’absenter : Sandro porte alors toute son attention sur Laura, sa belle-sœur, une femme terriblement attirante dont il est chargé de prendre soin. Péché véniel explore à nouveau la collaboration entre la sublime Laura Antonelli et le cinéaste Salvatore Samperi, dans la foulée de Malicia, tourné un an plus tôt, avec quasiment le même casting.  Malicia donnait l’occasion à Laura Antonelli d’incarner une bonne dans une famille bourgeoise, en jouant autant sur sa beauté, son corps, ainsi que sur un pouvoir de séduction attirant toutes les générations masculines du noyau familial, notamment sur l’adolescent en proie à ses hormones et son éveil à la sensualité. Dans cette « suite », Samperi déploie de nouveau ses talents, appuyé par la photographie du talentueux Tonino Delli Colli, et une palette de personnages de second plan aussi truculents que fantaisistes : les deux amis farceurs de Sandro en proie à leur désir, le plagiste qui tend des pièges au monsieur muscle de la plage plus bête que méchant, le petit garçon s’associant au plagiste pour venger ses châteaux de sable, fugaces constructions de sable écrasées involontairement par le culturiste, les parents de Sandro opposés face au chien de madame, canidé qui suscite des pulsions meurtrières et comiques de l’époux. Toute une galerie de caractères, souvent caricaturale, constellation hyperbolique à laquelle il manque à nos yeux qu’un Alvaro Vitali pour en achever la flamboyance.

Le film fonctionne par couples, par binômes : amis, partenaires de facéties, femmes lustrant leur corps de crème, rivale de cœur adolescente déçue par le manque d’intérêt de Sandro, son ami d’un été dont elle aimerait qu’il devînt son amant. Sandro et son frère aîné se confient leurs émois, sans savoir qu’ils concernent la même et belle personne : Laura, l’ingénue, la maternelle, à la voix douce. Brûlante avec l’aînée, compréhensive avec le cadet. Laura Antonelli nous apparaît ainsi double, sans perversité, avec un talent, un regard magnifiés par les couleurs, les plans rapprochés fréquents, instillant une tonalité douce-amère à cette éducation sentimentale. Derrière les running gags, le comique verbal, les situations de voyeurisme ou d’espionnage d’ébats via des écoutes murales en focalisation interne, Péché véniel nous engage parfois vers des détours plus subtils et émouvants, accompagnant notre nostalgie d’un cinéma plus libéré.

Cette nostalgie devient plus prégnante avec Malicia 2000, suite quant à elle directe du film matriciel Malicia. Le riche Ignazio La Brocca coule des jours heureux avec Angela, son ancienne bonne, dans une splendide villa sicilienne. Le jour où l’architecte Lance Bruni  s’y installe avec son fils Jimmy âgé de quinze ans, dans le cadre d’une fouille archéologique dans les soubassements de la villa (où se trouve un labyrinthe dans lequel fut enfermée la princesse Aïcha par le seigneur normand Ruggero), l’harmonie du couple se fissure. L’adolescent tombe immédiatement sous le charme de la  maîtresse des lieux.

Tourné presque deux décennies après Péché Véniel, le charme n’opère que très peu. Laura Antonelli, malgré des personnages sublimes chez Risi, cloisonnée dans des productions et des rôles de moins en moins consistants, tombera dans les affres des paradis artificiels entamant sa beauté et la confiance des producteurs comme du public. Pour lui permettre un come-back, et de s’offrir à lui-même un rebond de carrière, Salvatore Samperi convainc l’actrice de rempiler dans son rôle culte. Pour vaincre le passage du temps , les producteurs n’hésiteront pas d’ailleurs à inciter notre actrice à subir quelques traitements modernes qui provoqueront des dommages dont son corps ne se remettra pas.

Dans une copie moins agréable que celle de Péché véniel, avec une photographie maladroite, une musique lourdement insistante, Malicia 2000 ressemble davantage par son esthétique à un TVfilm des années 90 qu’à un véritable long-métrage. Les acteurs de Malicia peinent à donner de l’intérêt à leurs personnages et aux situations. Le conte de la princesse enfermée par son seigneur et mari jaloux soutient narrativement le film : les scènes dans le labyrinthe souterrain progressivement exploré par les personnages demeurent les plus agréables. par exemple, avec les démonstrations d’acoustique ancienne mais efficace de ce tunnel, par lequel Jimmy effectue une vaine déclaration amoureuse à Angéla, la tentative œdipienne de meurtre du père par un fils jaloux, ou bien la découverte du cénotaphe d’Aïcha : quelques moments de lyrisme merveilleux et de tragique dans un flux d’intrigues secondaires voire inutiles. Les gags tombent à plat. Et, malgré l’ingéniosité perverse de Jimmy à écarter ses rivaux père et mari en élaborant des mécanismes et  autres pièges en utilisant le labyrinthe ou des objets antiques, le film provoque en nous un certain ennui mêlé de dépit, voire de tristesse, tel le regard de Laura Antonelli face à ce gâchis.

La projection successive de ces deux longs-métrages permettent finalement au spectateur de se retrouver en face de deux extrêmes par rapport à la carrière de Laura Antonelli. Un film-apogée, et un film-documentaire et pathétique sur une époque révolue. Un cinéma maintenant irréalisable, impossible. Le fantôme de Laura nous convie à une régression bienvenue quoique déchirante.

 

Peccato veniale, Malizia 2mila – Italie – 1974, 1991

Support : Bluray & DVD
Image : 1.85 16/9
Son : Italien et français DTS HD Master Audio 1.0
Sous-titres : Français
Durée : 96 et 100 minutes
Éditeur : Sidonis Calysta
Date de sortie : 05 décembre 2023

Un bonus identique pour les deux films :

Sans Malicia : Le Mystère Laura Antonelli (73’).

Un documentaire qui retrace toute la carrière de Laura Antonelli, mais également de sa vie privée : de son exode enfant durant la guerre jusqu’aux années de gloire sans oublier la dernière période plus difficile marquée par son incarcération pour trafics de drogue et son isolement dans un petit appartement. Méconnaissable, s’enfermant dans une solitude presque mystique.  De nombreuses images d’archives et des témoignages émouvants classieux (Giancarlo Giannini, Michele Placido…) dont l’une des dernières interventions filmées de Belmondo, rendent ce film touchant.

 

 

Titre original : Peccato veniale/Malicia 2mila

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Durée : 96/100 mn


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