Lust, Caution

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Fresque intimiste mais fastueuse, le nouveau Ang Lee est une tragédie des sentiments, où le sexe est une arme qui bouscule l´Histoire.

En Chine, sous l’occupation japonaise, une bande d’étudiants passionnés de théâtre décide de participer à l’effort de guerre en assassinant M. Yee, un collaborateur en charge des services secrets. Mais l’homme est difficilement approchable, et c’est la jeune Wong, l’actrice du groupe, qui est chargée de le séduire. Cette mission de longue haleine, qui s’étalera sur plusieurs années, sera chargée de conséquences pour ce couple d’amants…

Œuvre de prestige auréolée du Lion d’Or au dernier festival de Venise, Lust, Caution fait, comme tous les derniers longs-métrages d’Ang Lee, office d’événement. Plus de deux heures et demie de romance, d’espionnage, de sexe, d’intrigues tortueuses et de reconstitutions luxueuses de la Chine d’avant le Grand bond en avant. Une époque « révolue », selon le réalisateur de Tigre et Dragon qui, adaptant le récit d’une grande romancière chinoise, plonge dans les affres d’une passion contre-nature dont l’avenir, vu les circonstances dans lesquelles elle prend place, semble fort obstrué. Un schéma qu’on retrouve dans toute la filmographie du metteur en scène, de Brokeback Mountain à Hulk en passant par son film de kung-fu.

Incurable romantique, Ang Lee est aussi un grand fataliste. Il observe avec un œil d’entomologiste sa jeune héroïne (la révélation Tang Wei), prise dans les vertiges d’une double vie, d’un rôle de séductrice qui finit par prendre le pas sur sa véritable identité. Au milieu du film, un meurtre collectif n’en finit pas de déverser son horreur (et qui respecte par là l’adage d’Hitchcock, « il est très, très difficile, de tuer un homme ») et scelle le destin de la joyeuse bande présentée comme insouciante et naïve. Dès lors, Wong, l’étudiante sur les épaules de laquelle toute une mission reposait, sera seule. Livrée à ses tourments, au tumulte sensuel et bientôt sexuel, dès lors qu’elle parvient à attirer l’énigmatique M. Yee (Tony Leung, imposant) dans son lit.

Le sexe, la grande affaire de Lust, caution, qui se traduit littéralement par « Luxure, prudence ». Le film, jusque là ponctué par les scènes de groupe autour d’un jeu de mahjong ou dans un salon de thé, s’enferme pour de bon dans sa parenthèse animale, là où l’héroïne perd définitivement pied en tombant amoureuse de sa proie.

On pense alors au récent Black Book de Verhoeven. D’un continent à l’autre, les duperies sont les mêmes, mais ne connaîtront pas la même fin. L’esprit de fresque historique est par contre identique. De Hong-Kong à Shanghai, c’est toute une époque révolue qui revit avec faste sous nos yeux. Un faste clinquant qui parasiterait presque les intentions intimes de ce récit languissant (parfois trop), évidemment troublant, mais fascinant.

Titre original : Lust, Caution

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Durée : 158 mn


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