D’abord, une histoire somme toute banale. Un meurtrier. Une série d’enlèvements. Un flic tenace. Une enquête qui piétine depuis une quinzaine d’années. Tout est donc dit. Reste l’essentiel : cette série est de nationalité française et excelle dans la mise en scène. Il faut malheureusement l’avouer, la qualité des polars français provenant de la petite lucarne laisse à désirer. Ce n’est ni PJ, ni Paris enquêtes criminelles qui diront le contraire. Aucun souci financier, aucune crise de scénaristes ni de metteurs en scène, le problème résidant essentiellement dans le regard très académique des créateurs, dénaturant complètement les idées souvent belles des scénarios. Une platitude dans la mise en scène en somme.
Les Oubliées impressionne surtout par la réalisation d’Hervé Hadmar qui plonge littéralement nos sens enivrés dans un tourbillon conséquent. Divisée en six épisodes, cette série pensée par Hadmar et Marc Herpoux flirte délicatement avec le fantastique lynchien sans pour autant sombrer dans un thriller « pépère » aux chutes scénaristiques illimitées et qui se terminerait sur un cul-de-sac. Chaque épisode est construit autour d’une victime, de la méthode utilisée par le criminel et surtout du quotidien glauque et impossible du gendarme Janvier, magistralement campé par un Jacques Gamblin saisissant de vérité.
Ensuite, le cinéma. Quelque chose d’extraordinaire se disperse dans les images assombries de cette série. Un conte de Noël qui prendrait l’aspect macabre d’un massacre hivernal. Pensée sans lendemains pour une terreur omniprésente qui titille tout ce qui bouge. Rien que pour cela, rien que pour cette sensation d’inquiétude étrangeté, Les Oubliées peut rejoindre les frayeurs cinématographiques des productions hitchcockiennes. Hadmar, effectivement, laisse planer plusieurs doutes, de l’image mystérieuse (voir un générique présentant quelques indices) à la construction narrative décalée en passant par une justesse dans les rapports humains.
Janvier est un magnifique personnage. Pas un de ces chevaliers des temps modernes, juste un simple flic tiraillé entre le désir de trouver le coupable et l’envie d’aller dormir. Plus il avance dans cette enquête, plus sa mémoire lui fait cruellement défaut. Idée remarquable ! En affublant le héros d’un poids lourd, Hadmar et Herpoux ont tissé une toile dont il est difficile de s’échapper. Le secret est grand et les yeux globuleux ne peuvent que surgir d’un cauchemar, celui d’un lonesome cow-boy qui n’en finit plus de mourir à petit feux. L’interprétation de Gamblin renforce cette sensation d’embrouille en traînant derrière lui une patte misérable, celle des gueux qui désespèrent de ne plus trouver le repos éternel.