Les grands fusils

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Delon, le « Samouraï » en Italie.

Delon tueur à gages

Les films du Camélia ressortent en salles un film italien un peu oublié, sans doute en raison de son faible impact artistique mais qui a le mérite de revenir un peu sur la carrière d’un Alain Delon qui n’a pas toujours su la gérer et surtout sur l’Italie des années de plomb qui s’est fait un peu oublier depuis. Les mafias et le terrorisme régnaient alors en maîtres, salissaient à la fois le climat social et politique du pays et l’enfonçaient dans une crise qui paraissait alors sans fin. C’est sous cet angle qu’il faut voir ce film que d’aucuns trouveront peut-être un peu démodé, un peu convenu avec un scénario assez indigent, coécrit par Ugo Liberatore, Franco Verucci et Roberto Gandus d’après une histoire de Franco Verucci. Le film raconte l’histoire d’un truand à la manière presque des films de Jean-Pierre Melville dans lesquels excellait alors Alain Delon : Tony Arzenta, tueur à gages et qui aurait pu exister, a décidé de se retirer des affaires et ses anciens associés vont tout faire pour se venger. Un film de vengeance donc, un film dans lequel Alain Delon a dû se ressourcer en revoyant sa prestation quasi mutique dans le mythique Samouraï.

Souvenir de Melville

Bien sûr, même si Les grands fusils ne lui arrive pas à la cheville, il a participé à la naissance d’un genre cinématographique qui a fait les beaux jours du cinéma italien du milieu des années 1970. Julien Wautier, dans le dossier de presse du film, analyse très brillamment la situation de ce film de genre et donne envie de le voir avec les yeux d’un cinéphile ou, mieux, d’un historien de cinéma : « Les écrans de cinéma italien vont devenir l’exutoire de la violence de la rue, qu’elle soit terroriste, criminelle, mafieuse ou étatique. Le néo- polar italien, ou poliziottesco, est né. Si Damiano Damani (La Mafia fait la loi) et Carlos Lizzani (Bandit à Milan) avaient dès 1968 défini les contours du genre (des figures policières fortes impliquées dans des enquêtes où se mêlent politique et organisation criminelle), celui-ci va rapidement se subdiviser pour inclure films de gangsters et de mafieux où l’on croise à peine l’ombre d’un policier, comme c’est le cas pour Big Guns. Le péplum et le western des années 1950-1960 font donc place au poliziottesco. »

Naissance du poliziottesco

Même si la référence à Melville risque de faire grincer des dents, elle s’impose toutefois non seulement de par la présence charismatique d’Alain Delon qui, encore une fois, crève l’écran, mais par tout le travail du chef opérateur, Silvano Ippoliti, qui transforme cette histoire somme toute banale en une sorte de tragédie antique, notamment dans la manière de traiter la fin du film que ne renierait pas un Luchino Visconti ou un Francis Ford Coppola. D’ailleurs, encore une fois, Julien Wautier critique sur revusetcorrigés.com s’en explique sur le dossier de presse : « Au contraire, dans Big Guns, tout est dans le détail et est souvent plus pertinent qu’il n’y paraît, comme ce jeu discret sur les couleurs primaires présent dans la plupart des séquences du film, ou l’élégance de ses mouvements de caméra : ceux qui révèlent le reflet d’un visage sur une table en verre, ou ces travellings arrière qui s’éloignent par pudeur. »

Titre original : Tony Arzenta

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Durée : 90 mn


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