Le procès Goldman

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Le huis-clos du procès Goldman comme exercice autour de la difficulté de rendre la justice.

Un huis clos maîtrisé

Quatorzième long-métrage de ce réalisateur bien connu, Le procès Goldman va marquer sa carrière et nous permet de mesurer le chemin parcouru depuis son poste de stagiaire monteur de Sous le soleil de Satan de Maurice Pialat et son premier court-métrage Dernières Heures du millénaire en 1990, en attendant Bar des rails deux ans plus tard qui va le faire connaître de la critique et du grand public. Son dernier film est une gageure parce qu’il filme le deuxième procès de Pierre Goldman qui, dans les années 1970, avait défrayé la chronique en devenant à la fois délinquant et égérie de l’extrême gauche, suivi par Régis Debray et Simone Signoret, présents au procès, en raison de son immense charisme. Après avoir fait reconstituer la salle d’audience sur un court de tennis, éclairé par la lumière naturelle du soleil, et en situation presque de direct avec de nombreux figurants qui campent les divers camps de la salle du procès, Cédric Kahn parvient par un énorme travail de direction d’acteur et de scénographie à montrer la difficulté à rendre la justice que ce soit dans ces années-là tout comme dans les nôtres polluées maintenant en plus par les réseaux sociaux et le jugement à l’emporte-pièce qu’ils mènent en parallèle. 

   

Un héros de la gauche radicale

« J’ai découvert Pierre Goldman, il y a une quinzaine d’années par son livre, Souvenirs obscurs d’un Juif polonais né en France, déclare le réalisateur dans le dossier de presse du film. Ce qui me saute aux yeux, ce n’est pas son innocence, c’est sa langue, extraordinaire. Son style, sa dialectique, sa pensée. Je me dis qu’il faut faire quelque chose de ce livre, au cinéma. Il me semble que la grande œuvre de Goldman, c’est son acquittement, dont le livre est le catalyseur. La gauche de l’époque s’est emballée pour cet ouvrage, a organisé des comités de soutien, ce qui a créé un contexte très particulier au second procès. En-dehors de cela, la vie de Goldman, c’est une série d’échecs, de drames, de renoncements. J’écarte donc la piste d’un biopic et je me dis que le film à faire, c’est le procès. » 

Un enfant de la Shoah

Dans ce procès, et uniquement le procès, Cédric Kahn s’est employé justement à rendre palpable à la fois le charisme de Pierre Goldman, son innocence ou du moins ce qu’il voudrait en laisser paraître, de même que sa conscience de classe, son admiration pour les « nègres » dont il se déclare appartenir en même temps que juif et, surtout, sa condition d’enfant de la Shoah, ce qui ensemble produit un mélange détonnant qui ne pouvait que séduire l’extrême gauche et dérouter la police et les politiciens de droite. C’est tout cela que montre à la perfection ce film de presque deux heures, pas du tout ennuyeux et passionnant comme un véritable biopic, même si on ne sort jamais du cadre du tribunal. Les plaidoiries de Me Kiejman et les témoignages de Pierre Goldman sont, au mot près, ceux des prétoires ou du livre que le prévenu avait consacré à ses mémoires et qui avait enflammé alors les esprits. Outre le travail magnifique des acteurs, à commence par Arieh Worthalter dans le rôle titre, Arthur Harari dans le rôle de Me Kiejman, Aurélien Chaussade impeccable dans celui de l’avocat général, et toute l’équipe sans oublier les nombreux figurants au titre desquels on peut observer « Ulysse Dutilloy, qui fait Jean-Jacques Goldman et qui a pris son rôle très au sérieux ; la femme qui joue la belle-mère de Pierre Goldman, Ruth, est très émouvante, juste par les regards. Le groupe des Antillais, le sosie de Régis Debray, etc. », ils sont tous parfaits et semblent avoir satisfait aussi le réalisateur. Ce film qui, au départ, devait s’appeler en reprenant l’injonction de Goldman lui-même : « Je suis innocent parce que je suis innocent » a été monté souvent à l’aveugle seulement avec les voix comme guide et il faut reconnaître aussi l’immense travail du monteur Yann Dedet, du directeur de la photographie, Patrick Ghiringhelli, et des responsables du son, Erwan Kerzant, Sylvain Malbrant et Olivier Guillaume.

 

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Durée : 115 mn


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