Le dernier coup de marteau

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Trop occupée à jouer la carte de la retenue et du pseudo-réalisme, Alix Delaporte en oublie l´audace et signe une chronique sociale poussiéreuse piégée par ses propres effets.

Victor, 13 ans, vit avec sa mère Nadia dans un mobil-home de fortune sur une plage aux abords de Montpellier. Il vient d’apprendre que Samuel, le père chef d’orchestre qu’il n’a jamais connu, est de retour à Montpellier pour diriger la 6ème symphonie de Mahler. Bien décidé à recomposer ce passé dont sa mère malade ne dit mot, il s’introduit à l’opéra pendant les répétitions et croise le chemin d’un homme intraitable a priori peu soucieux de son soudain devoir de père.

Tout semble fractionné, indéfini, dans le monde de Victor. De sa maisonnette échouée quelque part en bord de mer à son père, ogre insensible et asocial, pas un espace, pas une personne ne se donne à voir dans sa totalité. Même le soleil, jamais net, ne brille que d’une lumière crépusculaire. Dans cette zone nébuleuse où tout reste indéterminé, Victor arpente les routes en autostop jusqu’à Montpellier à la recherche d’une réponse, même fragmentaire, pour stabiliser cet univers et tenter de vivre. Alors que son père daigne pour la première fois admettre son existence, celui-ci lui offre deux copies de la sixième de Gustav Mahler. Victor se plonge alors dans les méandres du compositeur autrichien avec empressement. Comme si les modulations tragiques de sa musique pouvaient lui permettre de démêler l’indicible, de résoudre l’énigme de sa vie.

 
Nul doute que ce scénario programmatique, pas complètement stérile, aurait pu permettre la mise en scène d’une histoire délicate, dans la pure tradition du drame social. Mais la cinéaste, visiblement peu inspirée, reproduit malheureusement la même gestuelle cinématographique que dans Angèle et Tony, son premier long. Pire : elle ne juge jamais vraiment bon de tirer parti de cette matière fantastique qu’est la musique de Mahler pour articuler son film, lui faire gagner en densité. Tout juste utilise-t-elle vaguement l’histoire de la genèse de la sixième symphonie pour faire écho au caractère tragique de cette famille perdue. Reste qu’en dépit d’une ambition sociale et d’une ferme volonté de filmer "vrai", l’ensemble fleure surtout les grosses ficelles du traitement scénaristique, avec chaque scène à sa place. D’ailleurs, difficile de ne pas reprocher à la réalisatrice une certaine facilité, elle qui a opté pour un casting identique à Angèle et Tony, dans les rôles titres – Clotilde Hesme et Grégory Gadebois, encore.

Ni bon ni vraiment mauvais, Le dernier coup de marteau traine surtout derrière lui un problème de conviction, un manque d’énergie. À trop hésiter entre le naturalisme – le coup des piles, ridicule, alors que Victor fait écouter à sa mère son passage préféré de la sixième de Mahler – et la chronique sociale, à trop chercher une caution réaliste pour épaissir l’enjeu dramatique, Alix Delaporte plombe son film. Une pathologie presque plus désagréable qu’un naufrage en bonne et due forme. Dommage que ce dispositif sans relief et ronflant ne se dégonde pas en cours de route. D’autant que le film était tout de même en compétition à la Mostra de Venise 2014.

Titre original : Le dernier coup de marteau

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Durée : 83 mn


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