Il y a une impossibilité physique dans la réception des dialogues du film. Anti-naturalistes affirmés, ils sont écrits comme ceux des films de son père, Nicolas Klotz (Low Life, 2012 ; La Question humaine, 2007). Lyrisme et profusion, peu d’ancrage avec le jeu physique des acteurs, et encore moins de possibilité de croyance. Les personnages parlent pour raconter leurs idées, pour illustrer la personnalité que leur aura donnée un scénariste. Le père s’en saisit pour inscrire sa fiction dans une posture romanesque que sa mise en scène soutient, tout du moins autorise.
Chez la fille, les dialogues sont le premier signal d’un langage fermé, d’une communication entre initiés, d’un rendez-vous de cinéma qui ne concernerait que ceux qui comprennent. Qui comprennent quoi ? La mélancolie, la peine d’être jeune, le spleen élégant de ces deux jeunes vampires ? La peine des personnages d’Héléna Klotz est incommensurable car elle n’apparaît jamais dans sa mise en scène, elle n’existe que dans sa revendication verbale. Du verbe ne naît ici que le vide. Faire déclamer Le Dormeur du val de Rimbaud en boîte de nuit à son personnage éclairé par des néons violets sur les canapés du Social Club ce n’est pas faire une scène de cinéma sur le sentiment mélancolique, c’est faire des manières.
Ce qui suit est à l’avenant : les disputes fanfaronnes des jeunes garçons lorsqu’ils croisent en sortant du club ce qu’ils considèrent être un fils à papa. L’acteur Niels Schneider serait ce garçon de droite qui gagne de l’argent et vomit les bohémiens, tandis que les deux petits filous, se moquant bien de son capitalisme triomphant, auraient pour eux la poésie et le charme, en plus de porter pour plus de 250 euros de sapes vintage sur le dos. C’est eux qui le disent. Le vrai problème de ce genre de scène n’est pas tant dans le choix (ici assumé) de ce genre de personnages mais plutôt dans le doute éprouvé : la cinéaste espère-t-elle que le portrait qu’elle en fait est crédible ? Même l’humour serait un soulagement qui n’arrive jamais, ses personnages sont bien trop pris au sérieux pour qu’on y touche.
La mise en scène, au demeurant plutôt belle de couleurs saturées dans sa vision de Paris (le film est réalisé avec l’appareil photo Canon 1D), ne fait qu’exacerber par ses partis pris forts le problème du langage. La propension à la grandiloquence sonore, toutes nappes de synthés dehors et ralentis chic et choc, n’aident pas plus à déceler ce qu’il reste de sincérité sous tant de grotesque branchitude.