La nuit du loup-garou

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Romanesque et flamboyante mise en scène du mythe de la bête humaine par l’orfèvre de la Hammer, Terence Fisher (film proposé par Elephant Films dans son coffret « Les 13 cauchemars de la Hammer »)

Après Frankenstein et Dracula, le loup-garou est la troisième créature du bestiaire de l’Universal régénéré par Terence Fisher. Dans La nuit du loup-garou, en repartant des origines, à savoir de la naissance même du personnage central, ce préquel – comme on le qualifierait dans la terminologie des Sérials contemporains – permet de se concentrer essentiellement sur l’Homme bien plus que sur la Bête. Nous offrant ainsi un superbe mélodrame teinté de frissons.

Le générique annonce la couleur, annonce la douleur. Un gros plan de plus de trois minutes sur un visage  en souffrance. Selon la direction de notre regard, sollicité par les rictus répétés et évolutifs de ce portrait, on suppose la présence d’un homme ou d’une bête, voire des deux réunis dans le même faciès. Ce générique, promesse de sensations futures, s’inscrit une stratégie narrative et marketing de la Hammer. Au même titre que les différents visuels promotionnels (affiches, bandes-annonces, photogrammes à l’entrée des salles…) le studio promet toujours plus de sensations. L’écriture gothique, la saturation des couleurs – le rouge en particulier – dans un univers sombre, une musique emphatique et tonitruante, constituent l’empreinte inoubliable de l’emblématique studio anglais. Un an plus tard, dans  Le fantôme de l’opéra, toujours de Terence Fisher, le même procédé sera repris dans le générique, mais avec une créature au visage immobile.

Sidéré par la teneur de cette entrée en matière, convaincu de n’être qu’au début des ses surprises, le public accepte volontiers d’être privé d’horreur – à l’exception du sanglant assassinat du marquis par la servante muette -, durant la quasi-totalité du récit, jusqu à l’acmé finale. Fischer peut prendre tout son temps pour décrire le parcours romanesque et surtout tragique de son maudit-meurtrier sauvage. De l’enfance émouvante d’un être non désiré, que la chaleur de sa famille d’accueil a préservé de la sauvagerie, jusqu’à ses premiers pas dans le monde et sa rencontre avec l’amour, le destin de Roland (Oliver Reed) aurait pu être celui d’un héros de Dickens. La source du Mal est d’origine sociale : le mépris des dominants,  les nobles qui ont engendré la première bête-humaine en enfermant dans leurs douves un pauvre mendiant, le déterminisme d’une société qui dirige les jeunes femmes vers de « belles épousailles ». Fisher, qui n’était pas un adepte d’effusions lyriques, exploite peu la passion amoureuse comme espoir de guérison.

Point de place à la dualité dans la psyché du maudit, le Mal est clairement identifié mais totalement intolérable. La malédiction est un corps étranger qui ne pourra être éradiqué que par une fin tragique de l’enveloppe humaine. Un sort assumé aussi bien par le coupable que par son protecteur (oncle d’adoption).  L’interprétation vibrante d’Oliver Reed – proche de l’Actor’s Studio – nous plonge au cœur d’un drame humain effroyable. Même sous son pelage dense, encore impactant aujourd’hui grâce à l’impressionnant maquillage réalisé Roy Ashton, perce une émotion bouleversante. L’épouvante longtemps suggérée par des effets d’annonce et des plans de détail – la main symbole par excellence des pulsions destructrices incontrôlables -, explose dans une scène d’action finale à couper le souffle.  Contrairement à ses autres monstres emblématiques, le lycanthrope ne connaîtra pas de successeur dans l’univers de la Hammer, : La nuit du loup du Loup-Garou s’impose un modèle du genre.

 

Le fantôme de l’opéra (Terence Fisher, 1962) fait également partie du coffret Les 13 cauchemars de la Hammer.

 

Titre original : The Curse of the Werewolf

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Durée : 95 mn


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