La Dernière Reine

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Comme les bijoux royaux qu’elle donne à voir, « La Dernière Reine » a des qualités ornementales. Un film prometteur, mais au final, plus joli qu’il n’est admirable.

La Dernière Reine, généreuse en artifices, avare en audaces

Les fresques historiques sont mortes. Vive les fresques historiques ! Dans un paysage cinématographique en mal de nouvelles épopées, le film de Damien Ounouri et d’Alida Bendimerad part avec deux avantages : En premier, son budget honorable de 2 millions et demi d’euros. En second, son ambition – Celle de faire une vraie proposition épique qui semble viser le prestige d’un Ben-Hur ou d’un Spartacus remis au goût du jour. Il est vrai que la prémisse est alléchante : L’Afrique du Nord avait ses propres cours royales, ses propres armadas, et surtout, ses propres intrigues politiques. Pour peu qu’on les traite correctement, les personnages qui viennent de ces sources pourraient être aussi fascinants de vice et de grandeur que ceux d’une saga comme Game of Thrones. Hélas, on verra qu’ils ne le sont pas.

La Dernière Reine nous fait suivre une période de crise dans la vie, donc, de la dernière reine d’Algérie, Zaphira (interprétée par Bendimerad elle-même), épouse du sultan. En effet, en 1516, alors qu’Alger est assiégée par les espagnols, le monarque n’a d’autre choix que de s’offrir les services de pirates. Ceux-ci vont vaincre l’envahisseur, mais aussi devenir très vite très confiants en leur nouvelle position de pouvoir. Leur chef, Aroudj Barberousse (ou Arudj Bab-Oruç, interprété par Dali Benssalah), n’est pas un simple capitaine de navire : C’est un pur méchant de cinéma, dont la hargne frôle parfois la série B. On avait déjà vu Benssalah à l’écran. Militaire héroïsé dans la fable opératique Athéna, il était plus nuancé dans Mes Frères et moi, où il tenait le rôle d’un frangin aussi dur que bien intentionné. Ici, il ne reprend ni l’une ni l’autre de ces compositions, et il se montre même plus malfaisant et intense que dans son rôle de sbire dans le dernier James Bond.

Le récit ne s’embarrasse pas de subtilité : Barberousse est verbalement comparé à un diable, à un être fait de feu et de souffre. La métaphore est filée : Après avoir perdu un avant-bras lors d’une bataille, il le remplace par une prothèse métallique. Il règne donc avec ce qui est littéralement une main de fer sur son groupe de malfrats et de flibustiers. Tous ont des rires narquois et des regards mauvais. Tous se déplacent en agrippant leurs ceintures ou en laissant reposer leurs poignets sur la courbe de leurs dagues. Et si, au début du film, ces images d’hommes venimeux offrent un contraste intéressant avec l’univers féminin dans lequel Zaphira et son fils Yahia, le prince héritier, évoluent, cette malveillance gangrénée tourne vite en rond. Les personnages ont plus vite fait de faire penser aux antagonistes monstrueux de Gore Verbinski qu’à des menaces homériques. Découpé en cinq actes, comme une pièce de Shakespeare, le film revendique clairement un ton de mélo impudique. Pourtant, au bout d’un moment, le spectateur sera forcé de se poser la question : Le classicisme de La Dernière Reine l’empêche-t-elle d’être la meilleure version d’elle-même ?

Une seule fulgurance : Un dernier combat très intime

En regardant le long-métrage, on ne peut pas s’empêcher d’imaginer ce qu’on aurait mis en scène différemment. C’est que tous les éléments sont là, pour livrer une fable formidable en proportions. Encore et encore, Zaphira est confrontée à des obstacles, à des méfiances, à des hostilités. Même la femme la plus puissante d’Algérie reste une femme dans un monde d’hommes. Elle doit se battre pour se faire entendre d’un mari pourtant raisonnable, et elle ne peut pas se sentir en sécurité avec ses propres frères. Son histoire aurait pu être l’odyssée, à tambour battant, d’une sorte d’abnégation à toute épreuve. Mais le film n’a pas les épaules nécessaires pour porter les scènes qui auraient dû être les plus impressionnantes, les plus intrigantes. Cet acte manqué n’est jamais plus évident qu’avec le personnage de Yahia, enfant adoré par sa mère, mais aussi utilisé par cette dernière afin qu’elle puisse se garantir un minimum de marge de manœuvre politique. Yanis Aouine, le jeune acteur, a un visage cinégénique, mais il est beaucoup plus doué pour sourire avec connivence que pour pleurer et s’énerver comme on pourrait l’attendre d’un enfant en train de vivre les moments les plus traumatiques de sa vie.

Du reste, et même si elles auraient ajouté un dynamisme certain aux scènes guerrières, on ne reprochera pas au film l’absence de grandes mobilisations de figurants. On peut en effet lui pardonner le fait que ses moyens ne soient pas ceux des travellings d’Autant en emporte le vent ni ceux des foules digitales du Seigneur des Anneaux. En revanche, on regrette l’utilisation d’effusions de sang générées par ordinateur, toujours peu convaincantes, et on s’interroge sur la pertinence du personnage de nordique convertie jouée par Nadia Tereszkiewicz. Bien sûr, ces éléments ne sont que des détails – Mais, quand on réalise une œuvre aussi fidèle à des modes d’antan, il apparaît que chaque détail compte.

Titre original : El Akhira

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Durée : 113 mn


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