Il était une fois dans l’ouest
Suite à leur énième mission guerrière, des mercenaires se retrouvent trahis et floués par leur humble seigneur de guerre. Comme chez Sergio Leone, ce n’est pas dans l’engeance que l’on trouve le moins de valeurs morales, sans pour autant absoudre la petite bande à Martin (Rutger Hauer), qui ne fait pas dans la dentelle pour se repaître le moment venu. Et c’est toujours dans l’ouest, ici celui de notre belle Europe en pleine Renaissance, que la vengeance justifie la violence. Pour Paul Verhoeven, la guerre n’est rien d’autre qu’une sacrée mélasse, où seuls l’individualisme et le cynisme peuvent nous éviter d’être charcutés par un monstre aussi vénal et désorganisé que nous. On pense bien évidemment aux guérilleros d’Il était fois la révolution pour le cynisme et l’absence de complexes de ces bandits de grands chemins, mais aussi aux Monty Python, noblesse oblige, quand il s’agit de mêler la loufoquerie à l’exécrable. Une bourrasque de truculence souffle sur cette aventure nihiliste à souhait dans laquelle la bestialité humaine s’exhibe sans vergogne. Un grand spectacle où les rebondissements et les retournements s’enchaînent sans subir le joug d’une mécanique artificielle, comme la vibrante marque d’un auteur qui a les mains totalement libres pour manipuler tout un chacun, personnages et spectateurs. Du grand guignol où les puissants coups de lame de Verhoeven ont toujours le même tranchant, et ce quatre décennies après la sortie du film.
À quel saint se vouer ?
Quand on erre sans autre but que de se procurer sa ration quotidienne de chair et de bonne chère, on ne peut pas se fier qu’à sa bonne étoile. Et lorsqu’une statue du bien nommé Saint-Patrick est récupérée par le groupe, les occasions de suivre la providence se multiplient. Dans l’univers de Verhoeven on croit très au sérieusement aux improbables et facétieux signes spirituels, surtout ceux de nature belliqueuse. Cela va ici de pair avec une foi inébranlable dans l’association des sciences et de la technologie, dans le poupin Steven qui loue ici en permanence Léonard de Vinci germe le futur démiurge de Robocop. Mais l’homme dans son animalité la plus viscérale renait toujours de ses cendres, et Patrick réapparait sous les traits fascinants de Roy, personnage mythique de Blade Runner dans la scène apocalyptique finale. Rutger Hauer incarne avec sang et sueur la folle hybridation Homme-Animal-Machine. Jennifer Jason-Lee lui réplique avec vice et fureur, sous la victime expiatoire sommeille bien plus que de basiques instincts de survie. Depuis Elle (2016) et Benedetta (2021) Paul Verhoeven est porté aux anges par ses pairs et une certaine « belle » presse. Tous les spectateurs qui ont succombé à ses deux derniers opus, (re)découvriront avec ravissement les vigoureuses origines du mal. Et pour ceux, dont nous faisons partie, que ces deux derniers opus ont laissé littéralement de marbre, ils ne manqueront pas de regretter les années bénies du trublion néerlandais.