Rien ne fait tout à fait sens dans Je fais feu de tout bois, qui vient après le troisième film de Desarthe, Je me fais rare, et avant son cinquième, encore à l’état de projet, Je ne réponds plus de rien. Les trois forment ainsi une sorte de trilogie du pauvre, "parce qu’il faut résister, et ne pas abandonner les trilogies aux seuls blockbusters", selon le cinéaste. Et sur 15 ans, parce que contrairement aux blockbusters, on en est France, que les subventions, il faut courir après, c’est un travail de longue haleine. C’est ce qui rend le film aussi charmant que singulier : cette manière qu’il a de rire de lui-même, de volontairement s’auto-saboter. Si on fait tout pour que ça ne marche pas, aucun risque d’être déçu. Dante Desarthe concilie franche confiance en lui et en son film, et défaitisme amusé. "Si Bergman avait mis au coeur de ses films des scènes de poursuites, par exemple, il serait plus connu du grand public. Et ça, les frères Coen l’ont bien compris", fait-il dire à Daniel Danite.
Ainsi, Desarthe filme Danite dans une course-poursuite à bord d’un bateau qui l’emmène à New York. Le même Danite enseigne l’art délicat de la caméra à des étudiants qui n’en ont rien à faire, ne veulent que pouvoir prétendre aux Assedic ; tant pis, la montée des marches, c’est toujours Cannes, fussent-elles celles d’une fac de banlieue. Leur fait rejouer ses scènes fétiches de The Big Lebowski : ils sont mauvais, il ne voit que leur "authenticité". Je fais feu de tout bois mélange exercice d’admiration, comédie nostalgique et humour abscons dans un ensemble inégal mais incroyablement attachant, qui fonce à toute allure, pioche à droite à gauche, joue le jeu des références. Qui bouffe à tous les râteliers, en somme. Pour une fois, c’est le plus beau des compliments.