Amelia et Pippo, un ancien couple de music-hall connu sous le nom de Ginger et Fred, se retrouvent après une séparation de trente ans à l’occasion d’un show télévisé. C’est un film magnifique, plein de mélancolie, qui se moque de la télé, de ses excès et, encore une fois, Federico Fellini s’y montre visionnaire et psychologue. Dans Ginger et Fred, l’association des deux protagonistes même s’ils sont bien sûr de sexes opposés, pourrait représenter l’union de deux augustes, qui voudraient ressembler à deux clowns blancs au moins une fois pour réussir leur passage à la télé berlusconienne. On a d’ailleurs un peu ce sentiment en regardant les variétés à la télévision. On sait le dégoût et le mépris de Federico Fellini à l’égard de la télévision et ses prises de position contre les spots publicitaires tronçonnant ses films. Une société de l’apparence où tous les augustes maladroits et un peu pitoyables se mettraient des paillettes ridicules pour mieux ressortir sous les sunlights. Mais Ginger et Fred ne trompent personne. Ils ne peuvent être des clowns blancs, on sent trop d’humanité et de blessures au fond de leur cœur, même s’ils acceptent malgré tout ce travestissement de pacotille.
Ce film est envisagé comme un vrai-faux reportage. Ce procédé déjà enclenché – mais avec une tout autre intention – dans Otto e mezzo sera poursuivi dans Ginger e Fred mais surtout dans Intervista bien sûr. Procédé cinématographique qui tient à la fois du reportage, du film dans le film, aboutissant à une mise en abyme, par ; utilisation d’une sorte de caméra-trottoir. Ces méthodes utilisées dans le cinéma avant-gardiste, ou underground, mais surtout à la télévision, n’ont ici pas la même finalité. On sait d’avance qu’il s’agit d’un faux reportage et que tout est truqué. Est-ce une réminiscence de l’humour potache ou une hypertrophie du moi qui consisterait à se mettre en scène mettant en scène un film qui n’existe pas en tant que tel, n’ayant ni début ni fin ? Goût du gag, du cirque ? Il n’empêche que Les Clowns constitue un reportage burlesque où Fellini et sa fausse équipe seront en butte à l’esprit étroit de certaines structures sérieuses françaises. Quant à Roma, le montage du film en séquences séparées, sans réel fil conducteur, si ce n’est encore une fois Fellini voulant réaliser un film sur la ville, rappelle un peu le montage du Satyricon. L’homme et la femme sont les deux pôles d’un même être et l’androgynie se retrouve dans les clowns, mais aussi dans les personnages de Ginger e Fred, même si cela peut paraître paradoxal. On doit à Jung d’avoir généralisé cette notion finalement très ancienne puisque, il le précise lui-même, « très tôt, au XVI e siècle, les humanistes ont découvert que l’homme a une anima et que chaque homme porte une femme en lui. Ils l’ont dit ; ce n’est pas une invention moderne. C’est la même chose pour l »animus ». C’est l’image masculine dans le psychisme féminin. » Comme quoi, ce film profond, tendre, émouvant et comique peut être vu de diverses manières et chacun y trouvera matière à réflexion et à admiration. Viva Fellini. Le coffret est accompagné d’un livret de 36 pages par L’Avant-Scène Cinéma ; un documentaire de 34 minutes, Ginger et Fred vu par Frédéric Mercier de Transfuge ; les bandes annonces de 1985 et 2020 et celles des Nuits de Cabiria et des Vitelloni.
Ginger et Fred. Un film de Federico Fellini. disponible en DVD et en Blu-Ray. France-Italie, 1985, couleur, version restaurée 4K, 128 min. VOSTF + VF. 19,99 euros. En vente le 14 novembre 2022.