Le Samouraï : méditation sur la solitude
Après avoir subi une numérisation en 2K à partir du négatif original, le film de Jean-Pierre Melville sort, pour le grand plaisir des cinéphiles et autres amateurs du genre et du cinéaste, en DVD restauré et Blu-Ray. Le privilège nous est ainsi donné de redécouvrir un chef d’œuvre melvillien. En tant que cinéma sous influence – celui du cinéma américain des années 30 – l’œuvre de Melville transpose à merveille le genre du polar et du film noir dans un univers qui n’appartient qu’au cinéaste. Partant d’une mise en scène épurée, il nous propose de suivre le parcours, tragique et funèbre, de Jef Costello, héros aux airs de tueur à gages autant que de samouraï. C’est un homme déjà mort, traqué dans sa solitude et son errance, que l’on accompagne à travers les rues étroites et vides d’un Paris grisâtre qui ne ressemble à aucun autre. L’élégante froideur du personnage qu’incarne Alain Delon, appuyée par son regard bleu-acier, s’harmonise avec l’atmosphère glacée et métallique du film, rendue par la superbe photographie d’Henri Decae. Flics ou truands, chez Melville, pas de manichéisme : les mauvais garçons sont des deux côtés.
Bonus 1 : Le couple Delon/Melville, des hommes avant tout
Melville-Delon : d’honneur et de nuit : ce documentaire, d’une vingtaine de minutes, réalisé par Olivier Bohler, tente d’explorer les relations entre Alain Delon et Jean-Pierre Melville. Le réalisateur s’entretient avec deux neveux du cinéaste, l’un réalisateur, l’autre producteur, ainsi qu’avec Rui Nogueira (auteur de Le cinéma selon Melville) et Volker Schlöndorff. Ce dernier a eu le privilège d’assister à un jour de tournage sur le plateau du Samouraï. Même si beaucoup ne sont plus en vie aujourd’hui, les membres de l’équipe du film n’ont pas encore tous trépassé et il aurait été intéressant d’entendre ceux qui furent les témoins directs de la fabrication du film. Le spectateur, encore plus le cinéphile, ne cesse d’être demandeur de précisions sur l’aspect technique des films. Le cinéma de Melville a beaucoup de secrets et peu de choses nous sont ici dévoilées. Ces différents entretiens se concentrent sur l’aspect humain et privilégient l’homme avant le cinéaste. Nous sommes ainsi noyés dans les détails intimistes de la vie familiale et personnelle de Jean-Pierre Melville, en une sorte d’hommage plutôt poussif. Nous sommes également les auditeurs d’anecdotes sur les relations qu’entretenaient entre eux les deux hommes. Nous est ainsi racontée la mort de Melville et la réaction de Delon face à cette nouvelle. Des informations qui ont sûrement leur place dans une biographie qu’on oublie sur le comptoir mais pas dans les compléments d’un film tel que Le Samouraï. Chacun des interrogés aborde tout de même la mise en scène et le style du cinéma de Melville. Comme le dit Nogueira, ce qui importait au cinéaste, « ce n’est pas ce qu’on raconte, c’est comment on le raconte ». Telle est l’évidence : par quel processus passait le cinéaste pour penser et élaborer ses films, voilà que le spectateur voudrait apprendre. Cela serait sûrement plus enrichissant pour lui que d’être renseigné sur le surnom de la mère du cinéaste.
Bonus 2 : De l’autopromotion et de la vantardise
Bonus 3 : Brève confidence
Toujours issu des archives de l’INA, le reportage extrait du JT de l’époque est sans doute le complément le plus intéressant de cette édition, même s’il reste superficiel (il dure le temps d’un reportage de journal télévisé, soit pas plus de cinq minutes). Il s’agit d’un entretien avec Melville lui-même dans le décor de la chambre de Jef Costello. L’interview répond quelque peu aux attentes du spectateur, le cinéaste évoquant sa manière de faire le film, insistant sur le côté non-réaliste de son style. A travers le genre policier qu’il perpétue et transpose dans son époque, le cinéaste recherche la poésie et le dépaysement qu’un décor et une mise en scène peuvent procurer au spectateur. Il accompagne ses propos d’une belle conception du cinéma et de son rapport au spectateur, en disant qu’ « il faut arriver à ce que les gens s’assoient un tout petit peu mieux qu’ils ne le sont dans leurs fauteuils de cinéma. […] Apporter une part de rêve au spectateur en ne lui montrant pas ce qu‘il voit tout le temps. ».
L’édition limitée se voit accompagnée d’un livret signé Jean-Baptiste Thoret, complément sans doute le plus à même d’expliquer et d’explorer le cinéma de Melville. Les bonus de cette édition sont effectivement plutôt décevants : ils n’ont pas trouvé mieux que des reportages issus de la télévision pour parler d’un chef d’œuvre du cinéma. Tristesse, tristesse.
DVD restauré et Blu-Ray inédit : sortie le 7 décembre aux éditions Pathé.