Dos au mur (Man On A Ledge)

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Un suspense bien tenu, jusqu´à ce que le film se mette à jouer les gros bras.

Relativement bien mené durant ses deux premiers tiers, Dos au mur, sans révolutionner le suspense policier ni le film d’action, a les allures d’une honnête proposition à la conclusion malheureusement bâclée. Le principe évoque l’assez réussi Inside Man de Spike Lee : un faits-divers plein d’esbroufe accapare le regard pour mieux le tromper (ici une apparente tentative de suicide, chez Spike Lee un casse de banque avec prise d’otages). Pendant ce temps se joue une opération plus souterraine de mise-en-scène visant à mettre au jour le double-fond pourri de l’image d’un richissime homme d’affaires. A la jointure entre ces deux niveaux, un personnage de bluffeur fait son cinéma, multipliant les artifices dans Inside Man, mettant ici en jeu son propre corps dans une situation dangereuse. Au même moment, à l’abri des regards, on creuse des trous, on perce des murs, on ouvre des coffres-forts. On fait apparaître l’origine douteuse d’une flamboyante réussite ainsi que ses ramifications prises dans les fondations d’une société (ici, la corruption touchant la police jusque dans ses plus hautes sphères).

Les points forts du film résident dans une certaine adresse à rendre sensibles à la fois le vertige et l’urgence liés à la situation. Mineur, il se signale avant tout dans les scènes confrontant l’ex-policier soi-disant devenu truand évadé (Sam Worthington) et la négociatrice chargée de le convaincre de ne pas se jeter dans le vide. Le jeu de manipulations auquel ils se livrent sur la corniche est soutenu par un dialogue plutôt bien écrit. Le cinéaste y distille intelligemment effets jouant sur la peur du vide, interactions (sous la forme de provocations et d’acclamations) avec la foule attirée au pied du gratte-ciel par la perspective d’assister à quelque chose de fort, recherches conduites par la police sur l’identité du fauteur de troubles. Le rythme est assez soutenu, mais le montage encombré de quelques flash-back dispensables.

Si le film tient la route pour l’essentiel, il dérape sur la fin en se mettant à jouer sur une corde qu’il retenait jusque-là : celle du grand spectacle. Il enchaîne alors scènes d’action franchement parfois au-delà des limites du ridicule, dans lesquelles le héros qui tenait jusque-là en haleine en se contentant d’évoluer sur quelques mètres de corniche, se met à courir dans tous les sens et sauter de mur en mur, voire plus. Assez difficile à avaler et peu cohérent. D’autant plus que cette soudaine agitation se double de l’utilisation de raccourcis de scénario qui viennent gâcher les efforts entrepris jusque-là en précipitant une résolution qu’on aurait aimée plus fine. Le tout se conclut inutilement sur un empilement de bonnes nouvelles envoyées en cinq minutes et quelques plans vite faits dans un bar, avec retrouvailles, demande en mariage, promesse d’un nouvel amour, retour du père disparu, et tournée générale. On s’en serait bien passé.

Titre original : Man On A Ledge

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Durée : 102 mn


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