Film noir hypnotique dans le quartier des diamantaires d´Anvers.
Un oeil fermé en gros plan, puis ouvert, laissant perler une goutte. Quelques minutes plus tard, une main broyée qui fait couler du sang rouge criard. Un montage qui rappelle l’oeil coupé au rasoir dUnChien andalou (Luis Buñuel, 1928). On entre dans le premier long métrage très prometteur d’Arthur Harari par notre organe de vision. Dans l’atelier de diamantaire mis en scène dans cette introduction, le diamant apparaît comme le prolongement de la pupille et le film va développer cette variation sur l’oeil. C’est l’histoire de Pier Ulmann, que l’on découvre en train de cambrioler une maison, le regard vissé sur la tâche à accomplir, prétextant un oeil à soigner, puis se l’abîmant véritablement en se cognant dans le noir. Toujours l’oeil.
Pier vit de petits trafics et vols à Paris, guidé par Rachid qui lui sert de famille de substitution. Lorsquil apprend la mort de son père dans la rue, il découvre par là même occasion que celui-ci aurait été banni de sa famille, diamantaires dAnvers. Il va profiter de lopportunité que lui offre son cousin en linvitant à venir dans la ville pour obtenir réparation, en projetant de voler sa famille avec Rachid et un autre complice. Le récit quitte donc Paris pour la ville belge, et déploie un cadre cinématographique original : le quartier des diamantaires dAnvers. Dans ce décor, l’oeuvre prend les traits du film noir, qui se partage entre la propriété cossue et sombre de sa famille, proche de la maison de Philip Vandamm (North by Northwest, Alfred Hitchcock, 1959) qui rappelle l’architecture de Frank Llyod Wright, et les ateliers fascinants et froids de l’entreprise de diamants. Le film porte bien son nom : il est minéral et brut, hypnotique et froid. Le motif du regard devient multiple et opaque, dupliqué dans la pierre précieuse cristalline.
Ce n’est pas seulement du diamant que le film tire sa fascination, mais aussi de cette famille étrange : l’austère oncle, le cousin Gabi épileptique et un peu déréglé (génial August Diehl que l’on aimerait voir plus souvent au cinéma), sa compagne impassible et jusquà Pier lui-même, empreint dune sensibilité inquiétante. Ils ont tous cette essence feutrée et inquiétante, liée à un casting singulier et où chacun fait présence par la seule expression de son visage. Une forme d’hypnose est générée par ce cercle familial qui porte en lui une menace latente. Face à cette atmosphère, l’intrigue parait presque secondaire, et le casse final projeté par Pier et Rachid semble anecdotique tout en se déroulant avec cette même froideur réaliste qui marque le film et lui évite les facilités du genre même dans ses maladresses.
Du pigeon poignardé par Rachid dans un parc sous les yeux de Pier, aux bancs de sciage et lasers de latelier de diamants, le film revêt une chape sombre et envoûtante, accentuée par la musique d’Olivier Marguerite, qui s’ouvre et se referme comme un écrin dont on ne sait quel diamant il renferme et quelle réfraction pourrait surprendre et brouiller le regard, à l’image du tuyau darrosage manié par un Gabi délirant, en pleine nuit, venant soudainement asperger la caméra.
Avec Rashômon, le scepticisme moral d’Akira Kurosawa interrogeait déjà, de manière éloquente, les faits du passé. Dans une théâtralité avouée, des benshis (récitants) évoquent rétrospectivement la même anecdote et ce récit en abîme et en forme d’échos reconduisait une vérité narrative à jamais insaisissable.
« Le jardin des Finzi Contini » est un film sur la mémoire suspendue et le temps retrouvé. C’est une œuvre impérissable qui est le véritable chant du cygne du « commandatore » Vittorio de Sica. Eblouissant d’émotion contenue dans sa version restaurée.
Adapté librement du roman de Vasco Pratolini, « Cronaca familiare » (chronique familiale), « Journal intime » est considéré à juste titre par la critique comme le chef d’œuvre superlatif de Zurlini. Par une purge émotionnelle, le cinéaste par excellence du sentiment rentré décante une relation fraternelle et en crève l’abcès mortifère.
« Eté violent » est le fruit d’une maturité filmique. Affublé d’une réputation de cinéaste difficilement malléable, Zurlini traverse des périodes tempétueuses où son travail n’est pas reconnu à sa juste valeur. Cet été
violent est le produit d’un hiatus de trois ans. Le film traite d’une année-charnière qui voit la chute du fascisme tandis que les bouleversements socio-politiques qui s’ensuivent dans la péninsule transalpine condensent une imagerie qui fait sa richesse.
Antithèse du drame épique dans son refus du spectaculaire, « Le désert des Tartares » apparaît comme une œuvre à combustion lente, chant du cygne de Valerio Zurlini dans son adaptation du roman éponyme de Dino Buzzati. Mélodrame de l’étiquette militaire, le film offre un écrin visuel grandiose à la lancinante déshumanisation qui s’y joue ; donnant corps à l’abstraction surréaliste de Buzzati.