Cinq films de la saga La Momie d’Universal Studio, disponibles chez Elephant Films.

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Ne déterrez pas un grand prêtre égyptien qui dort !

Environ 1300 av. J-C, Kharis est enterré vivant (recouvert de bandelettes) pour avoir tenté de ressusciter sa dulcinée grâce à une recette magique. Trois mille ans plus tard, réveillé par le zèle d’explorateurs inconscients il revient sur terre pour se venger. Que ce soit dans l’œuvre matricielle, La Momie (Karl Freund, 1932) ou dans les cinq épisodes qui suivront (réédités par Éléphant Films dans son coffret), le pitch de cette série sera sensiblement le même tout en multipliant de savoureuses surprises. De toutes les créatures d’Universal Monsters, La Momie est indéniablement la plus basique. Si comme le souligne à juste titre Damien Aurel dans le livret qui accompagne les films, derrière légende on peut percevoir une conscience historique tourmentée (le colonialisme), ce terreau reste cependant peu utilisé par les scénaristes. On est loin de l’univers fiévreux des vampires, de l’âme tourmenté du loup-garou, du transhumanisme incontrôlé du docteur Frankenstein, voire des facéties et de la perversion de l’Homme Invisible. Mais cette quasi absence de background donne tout le charme et l’originalité de la série. Plaisir candide  – en famille pour certains épisodes, voire même – devant un feuilleton rapide et enlevé non dénué d’émotions  – seul Deux nigauds et la momie (Charles Lamont, 1955) dépasse les 60 minutes.

 

D’aventures en aventures

Bien avant Indiana Jones et autres Allan Quatermain, voire plus récemment Uncharted, les aventuriers plus ou moins avertis de La momie nous ont enchanté par leurs tribulations et leurs maladresses. Dans La main de la momie (Chrstiy Cabanne1942) et sa suite La tombe de la momie (Harold Young,1944)  et bien évidemment dans Deux Nigauds et la momie, une dose d’exotisme, deux doses d’actions, le tout saupoudré de sentiment et d’humour bon-enfant : le Buddy Movies, un cocktail qui se déguste sans modération. S’appuyant sur un duo mal-assorti, mais qui fonctionnent si bien ensemble, les gags et les péripéties s’enchaînent sans temps mort. On ne reviendra pas sur la complicité d’Abbott et Costello, des aventuriers qui avancent à reculons. Et, surtout, on se réjouira de découvrir, puis de voir vieillir, ces éternels baroudeurs que sont Steve Banning (l’apprenti archéologue) et Babe Janson (l’éternel dubitatif), toujours tentés par l’amour du risque. Encore plus que dans les autres métrages La momie est un MacGuffin, qui aussitôt récupéré –  brulé pour être précis – nous glisse entre les mains, ou laisse un goût d’inachevé appelant d’autres aventures. Incontestablement, grâce notamment à un troisième larron – un magicien facétieux – La main de la momie possède encore un charme fou, difficilement reproductible de nos jours.

 

Ghost’ Stories

Le fantôme de la momie(Réginald LeBorg, 1943) et La malédiction de la momie(Leslie Goodwins , 1944) jouent crânement la carte du frisson, en s’appuyant sur une atmosphère sombre et envoutante qui rappelle celle de La féline (Jacques Tourneur, 1942) de part la grande part accordée à la suggestion dans la mise en scène de l’effroi. La créature gagne en épaisseur, non pas dans sa personnalité, mais dans son impact visuel. Le masque porté par Lon Chaney Jr – qui habitera la créature à trois reprises – gagne nettement en nuances et monstruosité dans La malédiction de la momie. Dans l’autre titre, on sera bluffé par la lente et spectaculaire émersion  de la promise,  qui d’un amas de boue grisâtre deviendra une superbe jeune femme. La plastique, mais aussi l’autonomie portée avec douceur et conviction de la gente féminine s’affiche ostensiblement dans l’ensemble des épisodes de la série. Un peu trop caricaturalement exotique dans quatre opus, le maître de la vengeance, le grand prêtre qui contrôle les mouvements du tueurs en bandelettes, va prendre toute sa dimension horrifique lorsque le grand John Carradine lui prêtera sa prestance et sa voix venue des profondeurs de l’enfer, dans Le fantôme de la momie. Un épisode conclu seulement par un demi happy end. Une nuance de gris qui colle parfaitement aux oripeaux de l’inaltérable silhouette antique.

 

La main de la momie/La tombe de la momie/Le fantôme de la momie/La malédiction de la momie/ Deux Nigauds et la momie constituent le coffret proposé par Éléphant Films.

 

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