Bohemian Rhapsody

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Un biopic très attendu par les fans du groupe emblématique Queen, une prestation de Rami Malek remarquable, mais un ensemble qui nous laisse sur notre faim.

Combiner le parcours de Freddy Mercury au sein de Queen, l’ascension fulgurante du groupe et la naissance d’un des plus grands tubes de l’histoire de la musique Bohemian Rhapsody en 2h15 minutes, voilà le défi que s’est lancé Bryan Singer, d’ordinaire plus habitué aux super-héros tels que Superman ou les X-Men. Ici, le réalisateur s’attaque à un autre genre d’icône : Freddy Mercury, chanteur principal du groupe Queen des années 70-80, mort du sida. Défi relevé ?

Respectant les codes du biopic, le film s’ouvre sur l’entrée de Rami Malek, alias Freddy Mercury, sur la scène du mythique Live Aid en 1985, spectacle offert par Queen et considéré comme l’une des meilleures prestations musicales à ce jour. On frissonne d’excitation tant la reproduction de l’arène est impressionnante, on s’y croit déjà. Malheureusement, pas le temps de savourer ce moment que voilà déjà un brusque changement de décor qui nous ramène quelques années plus tôt à Londres ; le meilleur serait-il pour la fin ?

Alors que Sacha Baron Cohen était d’abord pressenti dans le rôle de la star, c’est finalement à Rami Malek que revient cette lourde tâche, et il est attendu au tournant. Il est cependant difficile voire impossible de juger et d’apprécier correctement sa prestation dans cette première partie du film car la caméra ne s’attarde que trop peu sur le personnage, ne laissant comme seule trace de son passage l’image d’un dentier proéminent (transformation du personnage oblige). Dommage, alors que la mise-en-scène est pourtant soignée, avec des décors de boîtes de nuit rétro et des pantalons évasés kitsch rappelant cette esthétique rock psychédélique alors en vogue.

 

Ceci dit, le réalisateur nous perd un peu avec des choix scénaristiques (probablement nécessaires) qui nous font assister à un enchaînement de sujets sans réelle connexion entre eux : le jeune Farrokh Bulsara (avant d’être Freddy Mercury) bagagiste, sa rencontre avec « la femme de sa vie », l’audition improvisée devant les futurs membres de Queen…Aucune véritable évolution dans l’étude du personnage de Mercury, qui nous apparaît brutalement comme un showman expérimenté et désinvolte se moquant de ses premiers producteurs. Le film se teinte alors subitement d’une couche comique bas de gamme.

La qualité des scènes est inégale : la création du groupe, les premiers plateaux tv jusqu’au début du succès avec Killer Queen semblent bâclés mais sont cependant entrecoupés de quelques performances réussies hautes en couleurs et en octaves. Tout va très vite, trop vite peut être ? Des bribes du personnage caractériel qu’était Freddy Mercury sont dévoilées ci et là et on survole l’histoire de la chanson éponyme du film, nous laissant un goût d’inachevé, car on n’entendra jamais « Bohemian Rhapsody » en entier… Il faut attendre l’annonce de la maladie de Freddie pour ressentir une quelconque empathie pour le personnage qui semble enfin briser le quatrième mur. Le film prend alors un second souffle.

Bohemian Rhapsody s’impose avec une structure plutôt classique : Les débuts de Freddie Mercury, la création du groupe, l’apogée, la descente aux enfers, puis la rédemption avec la scène du Live Aid, qui sonne comme un adieu de la part du chanteur lavé de ses pêchés. Et au milieu de cette vie, des années de débauche, de fêtes où l’alcool et la drogue coulent à flots, des moments sur lesquels le réalisateur choisit de ne pas s’attarder. Une discrétion sans doute due à l’influence étouffante de Brian May (guitariste et cofondateur de Queen) sur le scénario, ne voulant pas ternir l’image de son ami…Oui mais Freddy Mercury, ce n’est pas que de la musique, c’est aussi un homme perturbé par la solitude, qui lutte contre ses vieux démons et qui se questionne sur sa sexualité. On ressent le potentiel d’un Rami Malek plein de bonne volonté qui cherche à faire s’exprimer davantage la star qu’il incarne mais qui est contenu, voire pris au piège. Malgré ce regard un peu trop complaisant du réalisateur sur son personnage, le film s’effectue par gradation, l’intensité augmente au fur et à mesure que le Live Aid se prépare. A contrario, la scène où Freddie annonce aux membres du groupe qu’il est atteint du sida se déroule très sobrement, sans fioritures et peut arracher quelques larmes à certains.

 

La scène que tout le monde attend est bien évidemment le Live Aid et il faut avouer que celle-ci vaut la peine d’attendre : magnifique plan de grue sur toute la fosse pour ensuite arriver sur scène où l’on peut enfin admirer pleinement le talent de Rami Malek et la prestation incroyable qu’offrait alors Freddie. La scène éblouit par son souci du détail, jusqu’aux canettes de pepsi sur le piano qui sont placées à l’identique que dans la prestation originale ! On regrette presque que cette séquence ne soit pas plus longue au détriment d’autres moments du film peut-être plus anecdotiques, ou de qualité inégale.

Construit sur des choix scénaristiques discutables, Bohemian Rhapsody possède toutes les clés pour faire la différence, mais n’exploite pas suffisamment son potentiel. Bien que l’esthétique soit soignée et les performances d’acteurs remarquables, le biopic peine à convaincre sur la durée, s’enlisant trop souvent dans des horizons divers. Le film reste néanmoins un bel hommage au chanteur de Queen, qui apparaîtra plus familier à son public après visionnage.

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Durée : 125 mn


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