De trop grandes attentes
Sur le papier Black Panther est un film intéressant, correspondant à un déplacement de projecteur politique et symbolique assez inédit au sein de la franchise Marvel telle qu’elle a été développée sur grand écran. On sent qu’il a été conçu pour fédérer un large public d’Africains et d’Afro-Américains, et contribuer à rétablir une injustice : que les personnages noirs de peau récoltent trop souvent dans les films hollywoodiens de rôles mineurs ou anecdotiques. La réussite d’un film ne se mesure cependant pas à l’aune de ses bons sentiments et, dans les faits, on peut regretter un film trop long, qui manque d’intensité et d’émotion, malgré le potentiel de son scénario.
Trop long et pas assez mémorable
Confus, celui-ci exhibe une volontaire complexité qui tend à perdre le spectateur, et certains personnages se révèlent quelconques ou pâles – tel celui interprété par Martin Freeman. Un effort a été fait pour soigner l’aspect visuel, mais il ne s’agit que d’un bel écrin assez creux qui finit par laisser indifférent, la 3D quant à elle n’a pas du tout été exploitée et les scènes se succèdent aux scènes sans éclat véritable. Quelques saillies comiques – comme le « What is love ? » de Haddaway chanté par Andy Serkis, convainquant en méchant – permettent parfois au film de se démarquer, tout comme une présence bienvenue de coutumes africaines – de l’artisanat ougandais au labret -, mais cela, hélas, ne suffit pas. La déception s’avère grande eu égard à la grande attente entourant le film.
Des acteurs sacrifiés
Le casting était louable. Après avoir tourné deux fois déjà avec lui, le jeune Ryan Coogler réitère sa sympathie vis-à-vis de Michael B. Jordan en lui confiant le rôle éponyme. D’autres choix sonnent de manière signifiante, comme la présence de Lupita Nyong’o, première actrice kenyanne à avoir reçu un Oscar et qui s’est fait connaître via 12 Years A Slave (Steve McQueen, 2013), film-étendard à part entière ; sinon aussi, celle de Forest Whitaker, acteur noir emblématique également récompensé aux Oscars avec Le Dernier Roi d’Ecosse (Kevin Macdonald, 2006). Le visage d’Andy Serkis, qui a essentiellement travaillé avec la capture de mouvement – de Gollum au singe César – demeure méconnu, ce qui confère à son personnage un aspect étonnant voire décontenançant plutôt sympathique. Les acteurs cependant, malgré leur talent, n’arrivent pas à tirer vraiment leur épingle du jeu, un scénario étriqué et prévisible ne leur en laissant pas la place.
Une absence de choix
Black Panther semble avoir voulu faire le grand écart, entre divertissement à dimension spectaculaire et manifeste politique. C’était sans compter le formatage indéfectible auquel Marvel se voue. Le film de Coogler n’est pas sans intérêt, mais également bancal, prévisible, et pas si secouant que cela. La finesse psychologique a été sacrifiée en théorie sur l’autel de l’efficacité, mais à ce niveau-là la machine déçoit aussi. Elle s’étire péniblement pendant 2h14, sans sens du rythme saillant.